The adjuster (1991) Atom Egoyan
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The adjuster (1991) Atom Egoyan
Une plongée dans l’inconscient
Troublant : tel est un qualificatif qu’on peut entendre assez souvent à propos des films d’Atom Egoyan, et The adjuster n’échappe pas à la règle. De Family viewing au Voyage de Felicia en passant par Exotica ou De beaux lendemains, le réalisateur canadien n’a de cesse d’explorer l’inconscient collectif. Ses films relèvent même parfois d’une expérience particulière pour le spectateur. Inspiré par un incendie qui a eu lieu au domicile de ses parents, The adjuster fut présenté à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes, qui compte également cette année-là The Indian Runner, de Sean Penn, et Toto le héros, de Jaco Van Dormael, qui obtint la Caméra d’or. Parmi ses interprètes principaux figurent Elias Koteas et Arsinée Khanjian, fidèles collaborateurs du réalisateur canadien, tout comme les moins connus en France Maury Chaykin et Gabrielle Rose.
Le début
Noah Render est un expert en sinistres qui prend en charge avec un inquiétant attachement les dossiers des victimes d’incendies. Son épouse Hera est agent de classification du Bureau de Censure, qui enregistre en secret les scènes les plus violentes et les plus obscènes au lieu de les présenter à son supérieur hiérarchique. Leur couple n’est pas très fusionnel, et du reste Noah, qui a pour mission d’héberger temporairement ses clientes dans des hôtels et veiller à leurs immédiats besoins, n’hésite pas, au passage, à prendre tellement soin d’elles qu’il en arrive régulièrement à coucher avec elles. Ils habitent avec leur fils et la belle-sœur de Noah dans une grande maison type d’un quartier de banlieue, au cœur d’un complexe immobilier encore en construction. Leurs nouveaux voisins, Bubba, ancien footballer, et son épouse Mimi, qui fut pom-pom girl, s’apprêtent à tourner un film pornographique dans leur quartier.
Analyse
De par sa construction, The adjuster a déjà de quoi perturber : la profusion des personnages et des histoires qui s’entremêlent est assez déconcertante. On est pourtant comme envoûté par les images et petit à petit comme une alchimie s’opère : tout se met en place comme un puzzle. On se rend alors compte comme le scénario d’Atom Egoyan est bien ficelé : les moindres détails du film ont leur importance, et pourtant on n’est pas perdu si on passe à côté de l’un ou de l’autre de ces petits touts qui structurent le film. Ce n’est sans doute pas un hasard si le point commun entre les différents personnages, et qui pourtant les sépare, demeure leur rapport aux images. Entre une femme qui brûle des photos de Beyrouth et une autre qui collectionne les vidéos destinées à la censure, entre des vidéastes amateurs et un fétichiste de l’intime, tout une panoplie de comportements nous est dépeinte.
Le film mérite donc sûrement une deuxième lecture pour le voir d’une autre façon : comme un kaléidoscope, The adjuster nous montre de multiples facettes selon l’angle de vision. De même, les personnages qui semblent stéréotypés au début du film s’avèrent bien plus complexes au fur et à mesure que nous les découvrons. En apprenant à les connaître, on assiste pratiquement à une mise à nu de leur âme, de leurs fantasmes ou de leurs frustrations. Il est d’ailleurs fascinant de constater combien de fois pendant le film on éprouve de la gêne lorsque le réalisateur nous place dans une position où nous sommes quasiment contraints d’entrer ainsi dans l’intimité des protagonistes. Le spectateur, voyeur malgré lui, et qui en éprouve pourtant un plaisir coupable, est alors confronté à ses propres peurs, ses pulsions, ses limites.
Servi par un casting hors pair, qui comprend Elias Koteas dans un de ces meilleurs rôles, et Arsinée Khanjian, l'épouse d’Atom Egoyan, en maîtresse femme belle et troublante à souhait, le film bénéficie d’une réalisation sobre mais percutante et distille çà et là quelques petites perles d’humour à froid qui détendent l’atmosphère à point nommé. Au final, The adjuster s'avère un formidable melting-pot de personnages complexes en proie à leurs fantasmes et à leurs pulsions. Le long-métrage analyse de façon fine notre rapport aux images et à la technologie, il nous émeut, voire nous bouleverse avec sa façon de présenter des êtres tourmentés qui cherchent leur salut et sont confrontés à des traumatismes qu’ils répriment souvent. Soit une plongée dans l’inconscient qui rend le spectateur acteur, ce qui n’est pas si souvent le cas au cinéma.