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Le souper (1992) Édouard Molinaro

Le souper (1992) Édouard Molinaro

Publié le 20 avr. 2021 Mis à jour le 20 avr. 2021 Culture
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Le souper (1992) Édouard Molinaro

Le vice appuyé sur le bras du crime

S’il a débuté sa carrière cinématographique à la fin des années 1950, Édouard Molinaro est passé à côté de la Nouvelle Vague. Il se positionne assez rapidement sur le créneau de la comédie populaire et, après avoir distribué par exemple Brigitte Bardot avec Une ravissante idiote, trouve le succès grâce à Oscar. Suivront au cours des années 1970 de nombreuses collaborations fructueuses, une fois de plus avec Louis de Funès (Hibernatus), puis Jacques Brel (L’emmerdeur) ou Mireille Darc (Le téléphone rose). Le succès de La cage aux folles lui offe un boulevard, qu’il va arpenter durant les années 1980 avec Daniel Auteuil ou bien Pierre Richard. Familier des adaptations théâtrales, il s’attaque en 1992 au Souper, de Jean-Claude Brisville, qui eut un joli succès trois ans auparavant. On ne change pas une équipe qui gagne, et Claude Rich ainsi que Claude Brasseur reprennent leurs rôles de Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord ainsi que de Joseph Fouché.

Juste après sa défaite à Waterloo, Napoléon part pour l’exil. La capitale française bruisse de rumeurs quant à l’avenir politique du pays : la monarchie sera-t-elle de retour ou les révolutionnaires qui battent encore le pavé sauront-ils donner de la voix ? Devant la demeure de Talleyrand, l’ancien ministre des Relations Extérieures durant le Directoire puis avec Napoléon Ier, se masse une foule menaçante. Un de ses majordomes parcourt les rangs des insurgés, les persuadant de rester calmes. Arrivant dans la propriété, il s’assure auprès du cuisinier, Monsieur Carême, que tout est prêt pour le dîner du soir. Avec l’autre domestique, ils fignolent les derniers préparatifs tout en discutant de la situation politique instable que traverse la France. Arrivé la veille de Gand, où il était auprès de Louis XVIII durant son exil, Talleyrand passe la soirée chez le duc de Wellington, et leur a demandé de préparer sa demeure car il s’apprête à recevoir quelqu’un à souper.

Avec Le souper, le fond prime incontestablement sur la forme. L’adaptation théâtrale optée par Édouard Molinaro ne souffre quasiment aucune dérogation. Si la première scène du film se déroule en extérieur, tout le reste du long-métrage  est campé dans la demeure du prince de Talleyrand, plus encore au sein de sa salle à manger. Le réalisateur ne lésine sur aucun détail, et l’accent est porté sur les décors et les accessoires, tous très soignés, le film recevant par la suite le César des meilleurs costumes. La mise en scène de Molinaro est d’une sobriété qui confine à l’ascèse, on sent bien que le plus important est ici la parole plutôt que l’action. Une joute verbale est d’ailleurs orchestrée tout au long du film, les dialogues s’enchaînant sans discontinuer. De nombreuses phrases attribuées à Talleyrand sont d’ailleurs égrainées tout au long de cette soirée, qui n’a sans doute pas eu lieu à cette date, mais qui marque un tournant dans l’Histoire de France.

L’intérêt du spectateur est en effet dès le début tourné vers l’action, qui se déroule non pas à l’intérieur de l’hôtel de Saint-Florentin, où est censé se dérouler le repas, mais dans les coulisses des futurs cabinets ministériels. Car Le souper se déroule précisément le 6 juillet 1815, comme un carton nous le précise en ouverture. Deux jours plus tard, Louis XVIII entrera dans Paris et débutera la Seconde Restauration, où Talleyrand et Fouché occuperont, tout du moins au début, des places centrales. Les échanges auxquels nous assistons alors portent tout autant sur cette future collaboration que sur la politique en général, et les manœuvres nécessaires auxquelles il faut se plier pour y réussir. Se dévoilent alors deux figures adeptes de rhétorique, et le plaisir des oreilles est au rendez-vous. Si l’on se demande quel est l’apport du septième art, mis à parts les éclairages et certains plans, classiques mais efficaces, avec des miroirs, la musique des mots nous emporte.

Avec un tel dispositif, Le souper se doit de compter sur des interprètes hors pair, et l’on peut compter sur deux acteurs excellents. Claude Rich et Claude Brasseur connaissent leurs peronnages sur le bout des doigts, et ils l’ont déjà interprété sur scène durant plusieurs mois. Le rôle de Talleyrand colle tellement à la carrure et à la physionomie de Claude Rich qu’on ne saurait mieux imaginer meilleure personnalité pour l’interpréter. Il le prend à bras le corps et nous offre une magnifique prestation, couronnée par un César du meilleur acteur amplement mérité. À ses côtés ne démérite aucunement Claude Brasseur, tout en retenue et qui pourtant tient la dragée haute à ce monument. On assiste ainsi à une célébration tant du théâtre, les deux acteurs ayant une carrière solide sur les planches, que du cinéma, puisqu’ils charrient avec eux l’ensemble des rôles pour lesquels ont les a salués. C’est ainsi plutôt un film hommage auquel nous assistons, tout à fait appréciable sans être follement moderne.

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