Les choses humaines (2021) Yvan Attal
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Les choses humaines (2021) Yvan Attal
La culture du viol en questions
En 2019, Karine Tuil publiait un roman qui lui avait été inspiré par L’affaire de Stanford. Quatre ans plus tôt, une étudiante américaine avait porté plainte pour viol, acte pour lequel son agresseur avait quelques mois plus tard écopé de six mois de prison. Nombreux furent les partisans de la victime ou du jeune homme à s’affronter au travers des médias et des réseaux sociaux, occasionnant notamment des commentaires autour de la « zone grise ». Le livre, qui avait lui aussi suscité des débats à sa sortie, est le matériau d’origine des Choses humaines, qu’Yvan Attal a tourné fin 2020. Présenté hors compétition au Festival de Venise, mais aussi en clôture du Festival du cinéma américain de Deauville, le film met en scène son fils Ben Attal, ainsi que son épouse Charlotte Gainsbourg. Les deux interprètes figurent d’ailleurs dans plusieurs des long-métrages du réalisateur, en particulier ceux qui jouent partiellement sur une veine autofictionnelle, de Ma femme est une actrice à Mon chien stupide.
Un taxi vient chercher Alexandre, étudiant à Standford qui arrive de Californie et tente sans succès de joindre son père Jean Farel, un célèbre présentateur de télévision. Celui-ci est en réunion avec la directrice des programmes, qui lui fait comprendre qu’au bout de trente ans il est temps de changer. Il l’envoie balader, lui expliquant que le lendemain il ne pourra pas la voir puisqu’il sera trop occupé à recevoir un ordre de la Légion d’honneur. Sarcastique, elle lui demande des nouvelles de son épouse, elle qui connaît trop bien la réputation de coureur qu’a glané son interlocuteur au fil des années. Alexandre, de son côté, parle à sa mère Claire, essayiste féministe, qui lui propose de venir dîner le soir même avec son nouveau compagnon. Invitée sur France Inter pour discuter d’un récent viol qui a été perpétré par une bande de migrants, Claire se retrouve acculée par sa contradictrice, qui lui reproche de ne pas prendre entièrement parti pour la victime.
Qui n’a pas lu le roman de Karine Tuil peut penser, en voyant la première partie des Choses humaines, que le film se placera dans la veine d’un film de Claude Sautet. Très habilement, Yvan Attal nous présente les personnages dans des scènes d’introduction efficaces. Nous suivons tout d’abord le fils de famille, un bourgeois qui poursuit son rêve américain mais qui n’a visiblement pas bénéficié d’une éducation très étayante de la part de ses parents. Son père est absorbé par sa carrière médiatique et sa mère a poursuivi une carrière épanouissante. Nous sommes donc en présence d’un milieu germanopratin, dans des appartements des beaux quartiers de la capitale. La réussite de ce début est de nous situer chacun des personnages en quelques dialogues finement ciselés et à l’humour assez ravageur. On apprécie particulièrement la description d’un monde médiatique, certes un peu caricatural, mais en même temps très justement brossé.
Puis un point de basculement survient, qu’on ne voit pas forcément venir. L’introduction du personnage de Mila apporte un ton différent, et dès ce moment nous allons suivre les conséquences d’un fait divers. Là où Les choses humaines se montre habile, c’est dans ses omissions, et c’est justement là où veut en venir Yvan Attal. Car le principal intérêt des délibérations de ce procès que nous allons alors suivre, c’est de porter plusieurs voix. D’une part nous sommes embarqués dès le début avec l’accusé, dont nous ne connaissons alors que le point de vue. Puis celui de la jeune femme commence à poindre, un peu tard peut-être, ce qui donne un sentiment de déséquilibre entre les deux parties. Mais le réalisateur semble mettre un point d’honneur à nous faire autant appréhender les avis des deux côtés, laissant les spectateurs avec leur libre arbitre. Seule la fin du film, sans doute beaucoup trop maladroite, pourrait laisser à nous faire voire l’opinion de l’auteur, et encore.
Autant dire que Les choses humaines cultive la demi-mesure, à l’opposé des discours tous faits que l’on peut attendre habituellement dans les tribunes. L’effet est tout à fait réussi, et quelle que soit notre opinion nous pouvons être amenés à être convaincus par un argument contradictoire ou une plaidoirie particulièrement convaincante. C’est déstabilisant, et cela permet de se décentrer, ne serait-ce que durant quelques minutes. Si la mise en scène d’Yvan Attal est élégante, on peut être moins convaincu par quelques maladresses, mais le film bénéficie d’un casting enlevé. Pour son premier grand rôle, et pas un facile, Ben Attal se montre tout à fait à l’aise devant la caméra, et Sandrine Jouannet développe un potentiel qui nous fait penser qu’elle ne devrait pas s’arrêter en si bon chemin. Quant à Charlotte Gainsbourg et Pierre Arditi, ils se montrent une fois de plus excellents, et se voient épauler par des seconds rôles très solides en la présence d’Audrey Dana ou de Benjamin Lavernhe.
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