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Bianca (1984) Nanni Moretti

Bianca (1984) Nanni Moretti

Publié le 28 juil. 2020 Mis à jour le 28 juil. 2020 Culture
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Bianca (1984) Nanni Moretti

La curiosité est-elle un vilain défaut ?

Les trois premiers long-métrages de Nanni Moretti, Je suis un autarcique, puis Ecce bombo et Sogni d'oro sont en grande partie autobiographiques. Dans cette trilogie tournée à la fin des années 1970, Moretti développe son discours politique et scanne la société italienne de l'époque. Il faut dire que Nanni Moretti est né dans une famille relativement modeste du Trentin-Haut-Adige, de parents enseignants. Il va s'en souvenir pour incarner un professeur de mathématiques dans son quatrième film, Bianca. Son interprète féminine n'est autre que Laura Morante, avec qui il a déjà tourné un film et qu'il retrouvera vingt ans plus tard dans La chambre du fils, qui vaudra au réalisateur transalpin la Palme d'or au Festival de Cannes. Avec Bianca, il s'affranchit un peu de l'autofiction, tout en gardant comme personnage principal  Michele Apicella, qui était celui de ses trois premiers films, et qu'il va retrouver avec Palombella rossa.

Quand il arrive chez lui, Michele s'empresse de mettre le feu à ses lavabos et à sa baignoire. Dans la cour intérieure, il découvre un poulet mort. Son voisin Siro Siri lui explique qu'un type au troisième étage tire sur tous les animaux. Puis Michele assiste à une dispute chez le couple du rez-de-chaussée. Il les interrompt pour leur demander s'ils sont mariés. Le lendemain matin, Siro Siri vient le réveiller pour lui dire que c'est son premier jour d'école. Il arrive en retard mais ça n'a pas l'air de gêner le directeur, qui lui montre la salle des professeurs, où trônent des jeux et un bar. Il lui présente Edo, qui joue du piano, et le professeur d'Histoire, en plein cours. Puis ils entrent dans une salle de classe où un des enseignants se fait chahuter par ses élèves, et saluent le psychologue, qui ne s'occupe que de l'équipe pédagogique. Rentrant chez lui, Michele découvre que des fourmis ont infesté sa cuisine.

Le caractère du personnage principal de Bianca est à la fois profondément agaçant et furieusement attachant. Nanni Moretti parvient à nous faire ressentir de l'empathie pour ce Michele qui se mêle de tout et de n'importe quoi et qui ne s'attire que des ennuis. On se rend compte petit à petit que sa névrose, qui le conduit à consigner des fiches sur les relations sentimentales de ses voisins et de ses amis, cache une profonde solitude et un désir ancré d'absolu. Il cherche à comprendre l'amour, et souhaite maladroitement le bonheur de tout un chacun, mais selon ses propres critères. Il a des idées sur tout, y compris sur la façon dont on doit couper le mont-blanc et les sabots des femmes. Le fétichisme qu'il porte aux chaussures n'est qu'un symptôme de plus de son incapacité à interagir en société, et lorsqu'il rencontre enfin l'âme sœur son tempérament commence à se calmer, pour un temps tout du moins.

Ainsi Bianca s'offre le luxe de n'introduire le personnage féminin, dont le film tire le nom, qu'au bout de trente minute, soit après un premier tiers d'exposition. Puis Nanni Moretti tisse tranquillement une histoire d'amour simple et assez belle, pour ensuite en venir à l'aspect policier de son film. Tout à la fois comédie burlesque, polar un peu bancal et film de mœurs, Bianca navigue ainsi entre plusieurs registres sans que cela ne nuise à l’œuvre de Moretti. On retrouve par-ci par là toutes les influences du réalisateur, que ce soit la comédie italienne de ses aînés, la Nouvelle vague à la française, et particulièrement François Truffaut, mais aussi le maître du suspense en la personne d'Alfred Hitchcock (Fenêtre sur cour n'est pas bien loin). Et toutes ces références sont sciemment digérées, ne faisant qu'ajouter du sel à une ouvrage en elle-même savoureuse. Il suffit de voir comment en quelques scènes l'ambiance est posée pour s'en rendre compte.

Car de nombreuses séquences mémorables parsèment Bianca. On pense bien sûr à cette scène sur la plage, où Michele est entouré de couples qui s'embrassent et qu'il se jette sur une jeune fille. Ou bien à ce moment de légèreté où le professeur de mathématiques va jouer au football, thématique chère au réalisateur, avec ses élèves. On se souvient aussi de ces scènes oniriques, comme celle où le personnage principal, nu, se sert abondamment dans une coupe géante remplie de chocolat. On rie finalement énormément en visionnant le film, bien que son propos soit doux-amer, ce que la fin mettra en avant de façon magnifique. Mais l'on retient tout de même du long-métrage une certaine idée de la légèreté, ainsi que la beauté de ces deux interprètes que sont Nanni Moretti et Laura Morante, tous deux dans la fleur de l'âge. La comédie italienne s'est trouvé un représentant qui a du caractère, et qui va continuer à le prouver dans les années qui suivent.

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