La monstrueuse parade (1932) Tod Browning
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La monstrueuse parade (1932) Tod Browning
N’est pas monstrueux qui l'on croit
Dire que Freaks est une légende dans le monde merveilleux des cinéphiles serait un euphémisme. L’œuvre majeure de Tod Browning, tournée un an après son Dracula, continue d’alimenter les cinémathèques, et pour cause. Mythique aussi est sa conception, puisque comme tout chef d’œuvre qui se respecte (demandez à Orson Welles qui s’y connaît en films maudits ), le film a déclenché un scandale retentissant à l’époque de sa sortie et ne sera réhabilité que soixante ans plus tard. Tod Browning ne s’en remettra jamais.
Pourtant le réalisateur avait au départ toute la confiance de la MGM qui lui demandait une histoire terrifiante de plus ; ils en auront pour leurs frais. Car si Freaks est terrifiant, ce n’est pas tant du fait de son casting (entièrement réalisé dans une véritable foire aux monstres de l’époque) que du comportement humain. Le film dépeint en effet la vie d’un cirque ambulant, avec ses nains, ses hommes-troncs et autre femme à barbe. Hans, lilliputien en couple avec la naine Frieda, tombe sous le charme de Cléopâtre, acrobate et de surcroît l’une des seules femmes non « monstrueuse » de l’équipe. Sans qu’il ne rende compte de quoi que ce soit elle va le duper comme c’est pas permis.
Autant le dire tout net, Freaks est une claque et nombreux sont ceux qui ne s’en sont pas remis. Pas une seconde durant l’heure que dure le film (il a d'ailleurs été escamoté de trente minute), Tod Browning ne se montre méprisant ou condescendant envers ceux qu’il filme. Ce sont bien eux, les stars, ces créatures toutes plus étranges les unes que les autres qui nous paraissent tout d’un coup fascinantes. Il faut voir l’homme tronc allumer sa cigarette, l’avaleur de sabres ou le cracheur de feu dans leurs œuvres : on se croirait revenu en enfance, quand on regardait, ébloui, les artistes du cirque.
Et la grande force de Tod Browning dans Freaks est d’intégrer tous ces personnages hauts en couleurs dans une narration simple et efficace, faisant d’eux les héros du film et retournant l’ordre « naturel » des choses. Les êtres les plus détestables ne sont ici pas dépourvus de malformation physique, renvoyant ainsi au spectateur le miroir de sa propre conscience. Malgré tout pas moralisateur pour un sou, le film est, hormis ses nombreuses qualités esthétiques, bel et bien un film d’une humanité et d’une tolérance rare, qui a inspiré bon nombre de cinéastes tels Federico Fellini, David Lynch ou Steven Shainberg. À ne manquer sous aucun prétexte.