Les promesses de l’ombre (2007) David Cronenberg
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Les promesses de l’ombre (2007) David Cronenberg
C’est tellement bon de (se) faire (du) Mal
Au milieu des années 2000, David Cronenberg avait entamé avec A history of violence une relation professionnelle en compagnie de Viggo Mortensen. Il l’a poursuivie avec Eastern promises, et allez savoir pourquoi l’Est s’est transformé en ombre à la traduction française. Pour ce deuxième volet réflexif sur la violence, le réalisateur faisait appel au scénariste britannique Steven Knight, qui avait travaillé avec Stephen Frears et Michael Apted, et sera par la suite le showrunner de Peaky blinders. Dans ce long-métrage à la fois aux thématiques masculinistes et à l’esthétique homoérotique, Cronenberg parvenait à offrir un rôle principal à Naomi Watts, mais aussi une apparition à l’épouse de Jeremy Irons, Sinéad Cusack. Il renouvellait également ses collaborations avec le directeur de la photographie Peter Suschitzky et le compositeur Howard Shore.
Anna Khitrova, sage-femme d’origine russe à l’hôpital londonien de Trafalgar, tente, avec son journal intime, de retrouver la trace de Tatiana, une jeune femme morte en couche sous ses yeux en cette fin d’année. Cette adolescence a donné naissance à un bébé, qu’elle aimerait confier aux proches de la jeune femme. Ne comprenant pas assez bien le russe, elle fait appel à son oncle Stepan et à sa mère Helen, qui ne sont pas très partants pour l’aventure mais acceptent tout de même de l’aider. Anna trouve alors mention d’un restaurant, le Trans-Siberian, où le directeur Semyon l’accueille de façon un peu trop mielleuse pour être honnête. Alors qu’il lui assure ne pas connaître Tatiana, il se montre très enthousiaste à l’idée de savoir ce que contient son journal. La présence, à la porte du restaurant, de Kirill, qui ne semble pas très commode, ne rassure pas Anna.
On ne peut pas trouver plus antinomique que la famille d’Anna et celle de Semyon, pourtant toutes deux russes implantées à Londres. C’est souvent comme ça chez David Cronenberg, la lutte entre le Bien et le Mal est a priori clairement tranchée. Il nous avait déjà fait le coup, tout aussi parfaitement, au début de A History of violence, où les rôles étaient clairement affirmés, quitte à passer pour un schéma simpliste. Mais, une fois de plus, rien ne sera finalement aussi manichéen que prévu dans Les promesses de l’ombre, et les très belles surprises du scénario nous le prouveront d’admirable manière. On lui pardonnera donc assez facilement les quelques facilités, dont cette histoire de gangsters, un peu trop clichetonneuse parfois, est malheureusement affublée. En maître d’orchestre virtuose, Cronenberg dirige son petit monde parfaitement, et ça leur réussit.
En l’occurrence, Viggo Mortensen est absolument brillant de sobriété, de calme et de maîtrise, faisant évoluer son personnage par petites touches délicates. De son côté, Naomi Watts interprète une fois de plus, et de belle manière, un rôle similaire à celui de la douce ingénue qu’on l’a vu jouer dans Mulholland drive. Et surtout on a le plaisir de contempler la perfiormance excellente du grand Armin Mueller-Stahl, qui en impose en patriarche tyrannique et redoutable. Par contre on passera sur la prestation assez pitoyable de Vincent Cassel, qui sur-joue une folasse complètement ridicule, contribuant aux clichés les plus bêtes et méchants, et de façon tout à fait gratuite. Comme d’habitude chez David Cronenberg, au-delà de la mise en scène, brillante et ciselée, il y a aussi matière à réflexion dans Les promesses de l’ombre.
Il y développe des analyse assez pertinentes sur l’évolution des sociétés occidentales qui attirent les plus pauvres pour ne leur réserver qu’un destin miteux. On peut aussi voir dans Les promesses de l’ombre une parabole sur l’évolution du lien familial, et de notre rapport aux liens du sang. David Cronenberg nous y parle également de l’importance des racines dans nos sociétés désincarnées, déshumanisées, où les frontières entre le Bien et le Mal ne sont plus vraiment nettes. Il développe encore des idées sur l’honneur, sur l’amitié, sur la séduction, sur l’amour même peut-être, quoique ce dernier point soit fugace et légèrement artificiel. Oui, il y a un peu de tout cela dans le long-métrage, et même plus encore. Et puis on y trouve même Viggo Mortensen nu dans un hammam, ce qui ne se révèle pas du tout déplaisant.