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Police (2020) Anne Fontaine

Police (2020) Anne Fontaine

Publié le 5 sept. 2020 Mis à jour le 5 sept. 2020 Culture
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Police (2020) Anne Fontaine

La vérité pure et simple est très rarement pure et jamais simple

Comme souvent, c’est le producteur d’Anne Fontaine, Jean-Louis Livi, qui lui conseille de lire l’œuvre qui lui inspirera le scénario de Police. En l’occurrence, c’est le livre de Hugo Boris, paru en 2016, qui évoque les vingt-quatre heures décisives de la vie de trois représentants des forces de l’ordre. La cinéaste possède en commun avec le romancier le goût de l’éclectisme : tous deux explorent dans chacune de leur nouvelle production des univers différents. Anne Fontaine, qui a sorti une petite vingtaine de films en quasiment trente ans de carrière, a mis en scène des commerçants de province et une miss météo, a plus ou moins librement adapté les frères Grimm ou bien Doris Lessing, a évoqué la trajectoire de Coco Chanel ou de religieuses d’un couvent de bénédictines dans l’immédiate après-guerre. Elle retrouve ici Virginie Efira, qu’elle avait sélectionnée pour un second rôle dans Mon pire cauchemar, ainsi que Grégory  Gadebois, qui jouait un père violent dans Marvin ou la Belle Éducation.

Virginie se réveille en pleine nuit pour s'occuper de son bébé de quelques mois, bientôt rejointe par son mari, qui n'a pas pu se rendormir suite aux cris du nourrisson. Alors qu'elle prend sa douche, il lui demande où ils se retrouvent ce soir, avant d'aller dîner chez sa mère, ce que Virginie avait oublié, et son mari réagit mal. Un peu plus tard elle se retrouve devant une médecin qui lui demande si quelqu’un pourra l'accompagner le lendemain matin, lors de l'avortement qu'elle va subir. Elle lui prescrit des médicaments à prendre le soir même pour anticiper le risque d’infection en cas de complications opératoires. En arrivant à l'hôtel de police où elle travaille elle croise son collègue Aristide, qui s’étonne qu’elle ne lui adresse quasiment pas la parole. Son chef Erik lui demande d'aller avec lui accompagner une femme battue qui doit récupérer ses affaires chez elle. Le mari leur ouvre, alors qu'il était censé être absent du domicile conjugal, et devient rapidement violent.

La première partie de Police est impressionnante de maîtrise. À la manière d'un Rashōmon, Anne Fontaine nous raconte une même histoire sous différents points de vue, un procédé qui n’existait pas dans le roman adapté par la réalisatrice et sa complice Claire Barré. Ainsi on va connaître cette journée cruciale pour les trois personnages principaux du film selon leur focale. Un discret et élégant plan relie chacune de ces histoires, tandis qu'un panneau nous fait passer, via leur prénom, d’une histoire à l'autre. La caméra de la réalisatrice ne quitte pas des yeux le ou la protagoniste, enfermant le spectateur dans sa subjectivité et ne lui laissant aucun répit. C'est efficace, c’est tendu, et l'on passe sans sourciller de la peau d'une jeune mère de famille exténuée à un bon vivant qui cache son manque d'affection ou à un homme a priori bourru et surtout malheureux en ménage. Le message est clair : les personnels des forces de l’ordre sont des êtres humains avant tout.

La multiplicité des thèmes traités dans Police participe de l'étouffement que ressent le spectateur. De l'avortement à la reconduite aux frontières, en passant par les violences conjugales, l'infanticide ou la dépression, on assiste à un inventaire non exhaustif du quotidien d'un policier. C'est lourd, pas vraiment fin, est à l'instar du Polisse de Maïwenn, qui traitait de thématiques très voisines, on est pris à la gorge dès les premières scènes. Anne Fontaine ne nous ménage pas, dans le fond comme dans la forme, et le sentiment d'oppression ne nous quittera plus. La réalisatrice entend nous (dé)montrer toutes les facettes de ces personnages qui ont pour mission d’assurer l'ordre, et qui doivent obéir à des ordres alors qu’ils ne connaissent pas l’ensemble des éléments qui justifient, selon leur hiérarchie, les gestes, parfois violents, parfois lourds de conséquences, qu’ils s’apprêtent à accomplir. Si le projet est éminemment louable, le résultat est un peu trop maladroit pour convaincre.

En tout cas la mise en scène au cordeau de Police, qui suit caméra à l'épaule les protagonistes, ainsi que ce dispositif nous présentant les points de vue des uns et des autres, parvient à incarner le caractère fuyant de la vérité. On ne possède qu'une partie des informations, le reste nous sera toujours inconnu. C'est d'autant plus accentué lorsqu'on ne parle pas la même langue, ce qui est le cas avec le réfugié tadjik de la deuxième partie du film. Les protagonistes doivent prendre une décision qui engagera l'existence d'un individu dont ils ne connaissent pratiquement rien, et dont ils ne savent pas réellement s’il est victime ou coupable. Cette fin qui traîne cependant beaucoup trop en longueur et pourrait être largement dégraissée, possède tout de même quelques scènes où la tension arrive à un paroxysme inattendu et efficace, à l'image de ce moment suspendu devant un simple feu de circulation. Le scénario du film a en tout cas le mérite de nous signifier la nature complexe de la vérité, qui s’échappe à nous quand on essaye de l’attraper.

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