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Cabaret (1972) Bob Fosse

Cabaret (1972) Bob Fosse

Publié le 10 juil. 2023 Mis à jour le 10 juil. 2023 Culture
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Cabaret (1972) Bob Fosse

Surtout sauvez les apparences

Il faut chercher en 1937 pour trouver les origines de Cabaret, avec le recueil de nouvelles écrites par Christopher Isherwood. Il s’est inspiré de ses années à Berlin dans l’entre-deux-guerres pour décrire les personnages extravagants qui s’y mêlaient, et l’atmosphère décadente qui y régnait. Quinze ans plus tard, une fois que ces écrits furent publiés aux États-Unis, le dramaturge John Van Druten l’adapte pour le théâtre et c’est à Broadway en 1966 que la comédie musicale obtient un succès phénoménal. Attiré par l’expérience, Bob Fosse, grand chorégraphe de comédies musicales, se décide à le porter à l’écran. Le film récolte 8 oscars, dont ceux de la meilleure actrice et du meilleur metteur en scène. La légende est lancée, et le film reste encore aujourd’hui cité parmi les meilleurs films des dernières décennies.

Le début

Un jeune homme débarque à Berlin en 1931. Son nom est Brian Roberts, il arrive d’Oxford pour écrire sa thèse de philosophie et désire donner des cours d’anglais pour gagner sa vie. Il débarque chez une logeuse où Sally Bowles, une américaine résidant à Berlin, l’accueille. Elle est danseuse dans un cabaret, le Kit Kat Club, où se mélange une faune éclectique. Sally se sent très vite attirée par Brian et lui fait du gringue ostensiblement. Etonné par l’exubérance de la demoiselle, à laquelle il répond par une froideur toute britannique, le garçon ne semble pas répondre à ses charmes. Un jour Sally lui demande ouvertement ce qui se passe, s’il est attiré par elle et accessoirement par les filles en général. Brian esquive la réponse, puis lui avoue finalement que les trois seules expériences qu’il a eu avec des femmes se sont soldées par des échecs.

Analyse

Malgré ses apparences et ses thématiques a priori festives, Cabaret est un film triste à bien des égards. Il semble que tous les personnages du long-métrage aient explicitement ou non un destin tragique. On y traite avortement, racisme, sexualité refoulée, pauvreté, on en passe, et tout cela dans une ambiance apparemment festive et joviale. Ce décalage frappe énormément, non seulement entre les scènes de danse et les scènes d’intérieur, mais également entre la musique entrainante, on pense évidemment au célèbre Wilkommen, interprété par Joel Grey, impressionnant, et les dialogues et les situations parfois bien effrayants. La montée du nazisme, constamment suggérée, fait froid dans le dos, et le film réussit parfaitement à rendre compte de l’ambiance délétère qui régnait en Allemagne dans les années 1930. 

Plusieurs scènes sont glaçantes, dont cette partie de campagne où des scouts nazis entonnent un champ patriote repris par l’assemblée. Évidemment avec le recul on se rend bien compte que tous les éléments étaient là pour déclencher l’engrenage fatal, mais les personnages, pris dans leurs histoires, ne voyaient pas forcément l’ensemble du tableau, et la réalisation de Bob Fosse parvient délicatement à rendre compte de cet état de fait. On se perdait dans les fêtes, la luxure et la légèreté pour oublier la misère et ne pas voir les menaces politiques qui grondaient. Ajoutons à cela un sens pictural aigu qui baigne Cabaret, et qui fait appel à de nombreuses références artistique. Ainsi, à l’image de cette image fugitive au début du film, inspirée de tableaux d’Otto Dix, tel ce Portrait de la journaliste Sylvia von Harden, de nombreuses scènes attirent l’œil.

On pense souvent à des artistes dada comme Max Ernst, et plusieurs références à l’expressionnisme allemand sont disséminées par-ci par-là. Par ses thématiques, Cabaret renvoie également bien évidemment à L’ange bleu, où Marlene Dietrich est ici réincarnée en Liza Minelli. Celle-ci obtient sans doute le rôle de sa vie et compose avec l’ensemble des autres acteurs un très joli casting. Très classique, la mise en scène de Bob Fosse met parfaitement en valeur les performances scéniques tandis que le film baigne d’une musique entrainante. Les couleurs châtoyantes font aussi penser à un film comme Moulin rouge, de John Huston, qui, vingt ans auparavant, évoquer lui aussi des ambiances de cabaret, dans un autre lieu. D'ailleurs, on peut fortement supposer que la célèbre disothèque berlinoise, le kitkatclub, s'est inspiré du film pour son nom.

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