Summer of Sam (1999) Spike Lee
Sur Panodyssey, tu peux lire 10 publications par mois sans être connecté. Profite encore de 9 articles à découvrir ce mois-ci.
Pour ne pas être limité, connecte-toi ou créé un compte en cliquant ci-dessous, c’est gratuit !
Se connecter
Summer of Sam (1999) Spike Lee
L'assassin habite au Studio 54
Un tueur en série nommé David Berkowitz a sévi durant l’année 1977 à New York, tuant 12 personnes et en blessant bien d’autres. Ce fait divers, largement médiatisé à l’époque, a depuis fait germer de nombreuses théories conspirationnistes. Il a inspiré de nombreuses séries criminelles, de Castle à Mindhunter, et Spike Lee se sert de cette « anecdote » comme point de départ de son film. Mais finalement Summer of Sam c’est plus que ça : plantant le décor de son treizième long-métrage dans le Bronx, le réalisateur nous plonge en effet dans la vie fiévreuse du quartier, un peu à la manière d’un Martin Scorsese des débuts. Et construit par la même occasion un film choral un peu à la sauce Do the right thing, mais dans un autre lieu et à une autre époque.
Le début
Deux couples constituent le socle autour duquel tous les autres personnages gravitent. D’abord on a Vinny, coiffeur dragueur qui trompe sa femme Dionna à tout-va. Cette dernière aimerait bien reconquérir son mari, mais elle ne sait pas comment s’y prendre ; inutile de dire qu’en cette folle décennie que furent les seventies le couple va expérimenter pas mal de trucs. Et puis il y a Ritchie, éternel adolescent qui a pourtant passé l’âge. Il revient au Bronx après en être parti, et retrouve la belle Ruby ; ces deux-là partagent le goût pour la punk attitude et se marginalisent de plus en plus des autres du quartier. Tout ça en plein été 1977, un été de canicule où un tueur en série rôde et tue des jeunes couples sans défense.
Analyse
Les années 1970 sont omniprésentes dans Summer of Sam. Sous une bande originale très disco, Spike Lee aborde toutes les révolutions que la société a pu traverser durant cette période. Drogue, sexe, punk, tout y passe avec une habileté certaine et en évitant les clichés fastidieux. L’atmosphère de moiteur et de frénésie est remarquablement retranscrite, on sent la tension monter peu à peu et échauffer des esprits qui n’attendaient que ça, tout effrayés qu’ils sont par le serial killer qui traîne dans les parages. Et justement on suit avec les habitants du Bronx l’enquête évoluer, et même peu à peu piétiner, ce qui frustre d’autant plus des personnages qui ont déjà fort à faire avec leur vie personnelle et la chaleur de cet été caniculaire.
L’autre réussite de Summer of Sam est son habileté à mêler la description d’une époque et celle des protagonistes de l’histoire. Chaque personnage, sans être particulièrement fouillé, possède un bagage scénaristique assez riche pour être intéressant. John Leguizamo est en particulier assez touchant et arrive à humaniser ce personnage particulièrement odieux de mari volage qui regrette pourtant de l’être. Son épouse, interprétée joliment par Mira Sorvino, se révèle tout au long du film autrement fade et effacée qu’elle ne le laisse deviner au début. Quant à Adrian Brody, il montre déjà ici une belle facette de son jeu d'acteur dans ce personnage marginal et paumé qu’on ne peut que prendre en affection.
Au-delà de cette retranscription fidèle d’une époque, le suspense reste entier jusqu’à la fin, la mise en scène de Spike Lee est sophistiquée mais pas trop. Elle s’adapte ainsi parfaitement à son sujet, se montrant tantôt étouffante lors des scènes de crimes, tantôt discrète dans des scènes plus intimes. S’il n’atteint pas la virtuosité du Zodiac, de David Fincher, Summer of Sam est un bon cru d’un réalisateur qui n’a décidément pas fini de nous surprendre, en bien ou en moins bien. De façon anecdotique, mais tout de même assez bien traité, le long-métrage évoque les frontières entre déviance et norme, le passage d’une certaine tradition à une forme de modernité. Tout cela se fond dans un film choral où prédomine la question de la solidarité dans ce quartier éminemment urbain.