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Les enchaînés (1946) Alfred Hitchcock

Les enchaînés (1946) Alfred Hitchcock

Publié le 18 mars 2022 Mis à jour le 18 mars 2022 Culture
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Les enchaînés (1946) Alfred Hitchcock

Amours contrariées sous couvert d’espionnage

Comment transformer une banale histoire d’espionnage des plus classiques pour en faire un film captivant et original ? Pour cela, faites appel à Alfred Hitchcock. Car il faut bien l’avouer le scénario de Notorious ne brille pas par son originalité : en gros deux espions qui se voient sacrifier leur amour naissant au nom de la raison d’état. Même le fameux Mc Guffin, ressort dramatique de tout film à suspense, passe allègrement à la trappe, Hitchcock lui-même avouant qu’il s’en fichait éperdument. Ce qui compte ici ce sont les relations ambiguës qu’entretiennent les trois personnages principaux du film interprétés par Cary Grant, Ingrid Bergman et Claude Rains. Et pourtant le film est hanté par la Seconde guerre mondiale, qui vient de se terminer, et du projet Manhattan de sinistre mémoire.

En 1946, l'industriel allemand John Huberman est condamné pour participation à l’effort de guerre contre les Alliés. Sa fille Alicia, frivole, se remet de la nouvelle en faisant la fête avec des amis quand elle rencontre Devlin, un bel inconnu qui va s’occuper d’elle après une cuite de plus. Mais elle va apprendre bien vite que celui-ci a des intentions bien moins désintéressées qu’elle ne le pensait : espion américain, il compte sur elle pour coincer un des associés de son père. Direction le Brésil où la belle doit séduire le riche homme d’affaire et découvrir ce qu’il trame. Elle se fiche de la mission mais souhaite débuter ne nouvelle vie, moins festive. Ce qu’ils ne prévoyaient ni l’un ni l’autre, c’est l’attirance qu’ils éprouvent peu à peu l’un envers l’autre. D'ailleurs, dès leur arrivée à Rio débute leur liaison.

C’est la virtuosité de la mise en scène qui fait des Enchaînés l’un des meilleurs films du maître du suspense. Les scènes s’écoulent les unes après les autres avec une fluidité exemplaire et la tension dramatique est habilement entrecroisée avec les destins des protagonistes. L’accumulation de prouesses techniques, loin d’être lourde et tape-à-l’œil, sert parfaitement le récit. On peut citer la scène de l’empoisonnement où nous est suggéré habilement par un effet de mise en scène le trouble ressenti par l’héroïne qui se sent peu à peu prise au piège. Ou bien la fameuse scène du baiser où Alfred Hitchcock contourne malicieusement les règles de l’époque, et en particulier la censure du code Hays, pour la faire durer plus d’une minute, entrecoupant plusieurs baisers de quelques secondes par des dialogues.

Mais tout ça s’insère tellement bien dans le film qu’on éprouve une impression de naturel presque déconcertant de perfection. Les enchaînés mélange de façon impeccable la simplicité du scénario et le caractère raffiné d'une mise en scène au cordeau. Les effets musicaux discrets qui culminent vers la fin ainsi que la photographie élégante de Ted Tetzlaff, magnifiée par un élégant cinémascope, participent au charme qui se dégage du film. Il faut dire que Roy Webb, qui signe la musique originale, a aussi travaillé avec George Cukor, Ernest B. Schoedsack (à qui l'on doit le premier King Kong), Howard Hawks ou Leo McCarey. Quant au chef opérateur, il a en particulier mis en valeur Carole Lombard dans de nombreux films, et a collaboré avec George Stevens, René Clair ou Frank Capra. Autant dire que l'équipe technique est solide.

Enfin bien sûr on ne peut pas parler du film sans évoquer ses acteurs. Le couple Cary Grant / Ingrid Bergman est tellement logique qu’on s’étonne qu’il n’ait pas été plus exploité que ça au cinéma. Elle dévoile une facette inédite de son jeu : délaissant sa froideur toute nordique elle se lâche ici un peu dans ce rôle d’apparente légèreté mais qui ne manque pas de profondeur. Lui est pour une fois tout en retenue, moins mutin qu’à l’accoutumée mais encore une fois parfait. Le reste du casting nous réserve toute une bande de méchants aux mines patibulaires (mais presque) dont l’excellent Claude Rains en époux dominé par une mère tyrannique (tiens tiens, encore un…). Si on peut lui préférer la perfection d’autres chef d’œuvre du réalisateur, Les enchaînés n’en reste pas moins un des sommets des films à suspense qu’on a parfois tendance à sous-estimer.

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