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Ma nuit chez Maud (1969) Éric Rohmer

Ma nuit chez Maud (1969) Éric Rohmer

Publié le 5 mai 2021 Mis à jour le 5 mai 2021 Culture
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Ma nuit chez Maud (1969) Éric Rohmer

Les états d’âme d’Éric

Entre 1962 et 1972, Éric Rohmer va réaliser six Contes moraux, dont Ma nuit chez Maud est le troisième volet. Cette série de six films d’une qualité inégale (celui-ci et le suivant, Le genou de Claire, étant pour beaucoup les meilleurs, avec aussi La Collectionneuse) est basée sur un même principe narratif : un homme tombe amoureux d’une femme, mais n’ose pas l’aborder. Puis il subit les avances d’une autre femme. Quel sera le plus fort de la tentation ou de l’amour ? Cette idée originale permet à Rohmer de développer entre les protagonistes les dialogues philosophiques et libertins qui feront sa renommée.

On assiste d’ailleurs à de nombreux dialogues savoureux dans Ma nuit chez Maud, en particulier entre Maud, femme « libérée », et Jean-Louis, fervent catholique qu’elle met face à ses propres contradictions. La limite du genre est quand même parfois atteinte quand on voit des personnages qui ne se connaissaient pas quelques minutes auparavant ou ne s’étaient pas vus depuis quinze ans se mettre de but en blanc à discourir sur le Pari de Blaise Pascal ou leurs aventures intimes et sentimentales.

Cette artificialité est confirmée non seulement par le ton emprunté que ne peuvent s'empêcher d'adopter les acteurs chez Éric Rohmer (bien que dans Ma nuit chez Maud nous n'ayons pas droit, et ce n'est pas plus mal, à de « purs » interprètes rohmériens) mais aussi par l’épure des décors : les appartements sont meublés au strict minimum, l’important ici n’est pas la forme mais bien le fond. Mais le film possède surtout le charme des films de la Nouvelle vague.

On retrouve ainsi dans Ma nuit chez Maud une liberté de ton, des décors naturels dans un Clermont-Ferrand qui représente ici une image de la province où les personnages se sentent oppressés. Seul le casting déroge à la règle : Éric Rohmer s’est, une fois n'est pas coutume, entouré d'actrices et d’acteurs connus qui donnent libre court à leur talent. Françoise Fabian décroche ici un rôle magnifique de femme libre, à la fois forte en apparence et fragile dans sa quête éperdue du bonheur.

Elle déborde de sensualité et de naturel, en totale opposition avec le personnage prude qu'interprète Marie-Christine Barrault, l’image même pour Jean-Louis de la femme parfaite : blonde et catholique (sic). Jean-Louis Trintignant incarne d'ailleurs quant à lui parfaitement ce croyant mis à mal entre ses principes puritains et la réalité de ses désirs. On retient de cet exercice de style que représente Ma nuit chez Maud, amusant, intéressant, mais parfois casse-gueule, une critique douce amère de la bourgeoisie de province et un marivaudage un peu désuet mais dont les dialogues ne manquent souvent pas de piquant.

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