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Guerre et amour (1975) Woody Allen

Guerre et amour (1975) Woody Allen

Publié le 10 avr. 2023 Mis à jour le 10 avr. 2023 Culture
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Guerre et amour (1975) Woody Allen

Guerres napoléoniennes et adaptation décalée

Lorsqu’il réalise Guerre et amour, Woody Allen est à un tournant de sa carrière. Il a rencontré depuis peu Diane Keaton, avec qui il vient de sortir Woody et les robots. Il se lance avec elle dans ce quatrième et dernier film à sketch où il revisite le répertoire artistique russe. Car même si le film représente dès son titre une adaptation de Guerre et paix, on sent que ce qui intéresse le cinéaste est plus l’humour provoqué par ses gags qu’une interprétation stricto sensu de l’œuvre de Léon Tolstoï. Après ce film, Woody accédera à une toute autre notoriété, à la fois publique et critique, avec en particulier Annie Hall, et il va peu à peu mettre de côté sa veine purement burlesque, même s’il gardera dans tous ses film son humour décalé et ses personnages loufoques. Reste qu’une page est ici en train de se tourner.

Le début

Amoureux transi de sa cousine Sonja, Boris est consterné d’apprendre qu’elle a reçu deux demandes de mariage : l’une d’un vieillard de 80 ans et l’autre d’un marchand de poissons. La guerre de Russie éclate et malgré lui Boris se trouve obligé d’y participer. C’est le moment que choisit Sonja pour annoncer qu’elle a choisi d’épouser le vieillard. Mais celui-ci, à cette annonce, succombe à une crise cardiaque.  Contre mauvaise fortune bon cœur, la jeune femme décide alors de se marier au riche marchand de harengs. Envoyé sur le front, Boris se fait houspiller par l’instructeur en chef pour ses piteuses capacités et se retrouve vite en plein cœur de l’action. Sa couardise le pousse à se réfugier dans la première cachette qu’il trouve : c’est un canon, et il va bientôt être propulsé par mégarde dans le camp adverse.

Analyse

Une multitude de références peuplent Guerre et amour. Tout d’abord l’œuvre de Léon Tolstoï, dont le film de Woody Allen reprend l’ossature du récit et les personnages principaux, pour mieux les détourner. Le réalisateur fait également appel aux grandes figures artistiques de la Russie du XXe siècle, comme Sergueï Eisenstein à qui il emprunte le thème musical d’Alexandre Nevski et dont il parodie une séquence du Cuirassée Potemkine. On peut aussi penser aux Marx Brothers, que le réalisateur apprécie tout particulièrement, et dont un scène rappelle La soupe aux canards. Sans compter Le septième sceau, d'Ingmar Bergman, directement référencé. Car il ne s’en est jamais caché, Woody Allen aime utiliser l'intertextualité, et il continuera à le faire tout au long de sa carrière. 

C’est ici réalisé peut-être de manière moins déguisée que dans certains autres films de Woody Allen, mais le résultat est tout aussi jouissif, et leurs apparitions interviennent avec à-propos durant le récit. Il se permet également de jouer, de façon ludique et anachronique, avec quelques figures fortes de l’Histoire, mettant par exemple en scène un Napoléon pathétique. Les dialogues de Guerre et amour sont excellents, Woody Allen utilise ici son talent pour le stand-up, qu'il a pratiqué durant les années 1960, afin de ciseler quelques perles humoristiques qui émaillent le film, scène après scène. Risquant parfois le catalogue de bons mots, et c'est le risque de ce genre de dispositif, les répliques sont cependant assénées de manière rythmée et font souvent mouche.

On appréciera en particulier la manière dont Woody Allen utilise ces traits d'humour afin de tourner en dérision l’âme russe prétendument éternelle et leur romantisme légendaire qui affleure dans les romans, et qui porte ici les protagoniste vers des comportements outrancièrement irrésistibles. Le réalisateur new-yorkais est aidé en cela de la formidable Diane Keaton, ici très en forme, donnant à Sonja une dimension grotesque presque malgré elle. On sent l’influence des comiques américains tels que les Marx brothers ou bien Bob Hope, tout comme certaines figures mythiques du muet, dont Woody Allen n'a jamais caché son amour. Guerre et amour n’en reste pas moins un film qui possède la patte de son auteur, et qui demeure sans doute l'un des meilleurs de sa première partie de carrière.

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