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La garce (1945) King Vidor

La garce (1945) King Vidor

Publié le 5 févr. 2021 Mis à jour le 5 févr. 2021 Culture
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La garce (1945) King Vidor

Emma Bovary dans le Midwest américain

À bien des égards La garce est un film passionnant. Rien que par son titre français, qui souligne le machisme d'une époque où la femme n'avait sa place qu'aux fourneaux et où dès qu'elle avait du caractère on la traitait de tous les noms. La traduction n'est d'ailleurs en aucun cas littérale puisque le titre américain, Beyond the forest, n'a rien à voir avec le titre français, ni d'ailleurs avec le film en lui même : c'est le nom du roman de Stuart Engstrand qui a été ici adapté. On peut également la retrouver dans les secrets de tournage, où l'on apprend que la Warner, pour laquelle Bette Davis tourne ici son dernier film, coupa une scène d'avortement. L'actrice est alors au faîte de sa carrière et un an plus tard elle tournera le magnifique All about Eve.

Dans la petite ville de Loyaltown, bourgade du Middle West située à quelques encablures de Chicago, un procès se déroule. Rosa Moline, l'épouse du médecin local, est accusée du meurtre de Moose Lawson. Elle s'en défend vivement et raconte les circonstances qui ont conduit à l'accident fatal. Cinq mois auparavant, elle se promenait en barque avec son mari pour rejoindre leur cabane, où ils allaient passer la nuit. Or Louis reçoit un message l'obligeant à quitter sa femme, qui se retrouve avec Moose. Elle le fait boire plus que de raison et quand il tombe de sommeil s'enfuit pour retrouver son amant, qui vient d'arriver de Chicago.

Le début et la fin de La garce sont très représentatifs de son époque, et de la façon dont le Code Hays a influencé les films tournés durant cette période. Un intertitre débute le film, nous signalant combien les images qui vont suivre sont choquantes à dessein : nous faire appréhender le Mal dans sa forme la plus perverse afin de s'en prémunir. La fin du film est également un modèle du genre hollywoodien, avec sa dramatisation à outrance. Au milieu de tout ça on trouve beaucoup de leçons de morales pointant du doigt combien le personnage principal dépeint dans ce film est une femme de mauvaise vie, qui ne pense qu'à l'argent et à la facilité. Au passage le message reste tout de même que la seule façon que pouvait avoir une femme pour s'émanciper s'était se marier (par amour, heureusement) à un homme riche qui lui offrira des bijoux et des visons.

Et pourtant La garce possède un charme renversant. Le film est tout d'abord truffé d'un humour assez subtil : les dialogues, très bien écrits, font très souvent mouche et le film est très rythmé, bien qu'il s'essouffle un peu à la fin. L'interprétation de Bette Davis est encore une fois à couper le souffle, elle arrive à faire passer une palette incroyable d'émotions et parvient à nous faire éprouver de l'empathie pour un personnage franchement antipathique. Pourtant Rosa n'est pas foncièrement différente de bien des femmes éprises de liberté : c'est le traitement qu'en fait la scénariste, qui adapte ici un romancier américain, qui accable le personnage et la rend paradoxalement sympathique pour le spectateur. Le film devient alors, peut-être malgré lui, presque un argument de plus pour le féminisme.

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