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Cruising (1980) William Friedkin

Cruising (1980) William Friedkin

Publié le 28 juil. 2022 Mis à jour le 28 juil. 2022 Culture
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Cruising (1980) William Friedkin

Violente est la nuit

C'est un roman de Gerald Walker que William Friedkin eut envie d'adapter avec Cruising. Pour la petite histoire, Brian De Palma avait un temps envisagé le projet, avant de se rabattre sur Pulsions, où il réutilise certaines des idées qu'il avaient eu pour ce projet. Pour le rôle principal de ce flic qui infiltre le milieu sado-masochiste gay, Friedkin choisit Al Pacino, qui l'accepte à la surprise de beaucoup, lui qui sort des deux premiers épisodes du Parrain, et qui, soit dit en passant, tournera trois ans plus tard Scarface avec un certain Brian de Palma. Par son sujet, le film sera très critiqué, et ce dès son tournage, en particulier dans la communauté homosexuelle, qui ne veut pas être stigmatisée. Il sera ainsi très mal reçu, ce qui peut paraître a posteriori étonnant, tellement le milieu qu'il dépeint est certes marginal mais le regard du cinéaste est plutôt neutre à son égard.

Le début

Un bras est découvert dans l'océan. À la morgue de New-York, le médecin légiste tente en vain de convaincre un lieutenant de mener l'enquête mais celui-ci se montre réticent, arguant qu'il a d'autres chats à fouetter. Plus tard, une patrouille de nuit accoste deux prostitués masculins et les embarque dans leur voiture de fonction, forçant l'un d'eux à faire une fellation. Dans le bar d'à côté, plusieurs hommes dansent, habillés de cuir et visiblement adeptes du sado-masochisme. Deux d'entre eux se draguent et finissent dans une chambre d'hôtel. Au terme d'une séance de baise, le premier attache son partenaire et commence à le menacer, à la grande surprise de ce dernier. Le premier sort alors subitement un couteau et poignarde son partenaire d'un soir violemment et à plusieurs reprises. La police retrouve le cadavre mutilé le lendemain matin.

Analyse

On ressort de Cruising un peu hagard, la gorge nouée et l'esprit pas vraiment tranquille. De façon crescendo, William Friedkin met en place dans son film une atmosphère étouffante qui ne vous quitte pas de sitôt. Grâce à une mise en scène au cordeau, il parvient à instaurer une ambiance inquiétante digne des plus grands thrillers. Le spectateur ressent ce qu'il attendait exactement en allant voir le film, ce sentiment où le cœur se met à palpiter jusqu'au dénouement, forcément jubilatoire. Et c'est quand on croit que tout est terminé que la scène finale vient nous glacer les sangs. Les scènes sont violentes et crues, sans toutefois devenir obscènes, contrairement à la réputation que s'est forgé le film, encouragée par les classements établis par la censure de l'époque. Le talent d'un des maîtres du supsense est ici à souligner.

Fidèle à son talent, qu'il renouvelle à chacun de ses films, de L'exorciste qu'il a sorti sept ans plus tôt à La nurse qui viendra dix ans plus tard, le réalisateur signe ici de la belle ouvrage, comme on dit. Et puis Cruising, c'est il faut le dire également un témoignage important sur l'époque. Loin de stigmatiser une communauté, comme certains auraient pu le craindre, et nombre d'associations avaient à l'époque manifesté contre sa diffusion, en ayant ou pas vu le long-métrage d'ailleurs, William Friedkin filme simplement des hommes qui s'adonnent à des pratiques certes peu habituelles mais sans jugement aucun. Ce qui l'intéresse, c'est la matière de son long-métrage, le contexte n'étant presque qu'un prétexte, alors même que le sujet du sado-masochisme est, paradoxalement, central, pour mener son palpitant thriller.

De quasiment tous les plans, Al Pacino livre une interprétation sidérante, il se donne à 100 % dans son personnage, que l'on sent prêt à basculer d'un moment à l'autre vers la folie, tandis que l'intrigue tisse son fil petit à petit. Cruising est pour lui un écrin, qui figure en bonne place dans sa filmographie impressionnante. On retrouve à ses côtés Paul Sorvino, qui dix ans plus tard sera l'un des parrains des Affranchis, et Karen Allen, qui se fera connaître du grand public l'année d'après dans Les aventuriers de l'arche perdue. Les plus attentifs reconnaîtront aussi Ed O'Neill dans son premier rôle, lui qui incarnera par la suite des figures marquantes dans les séries Mariés, deux enfants et Modern family. La postérité sera un peu plus clémente au film, démoli à sa sortie, et lui accordera a posteriori le statut de film culte, tout du moins pour certains.

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