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Le limier (1972) Joseph L. Mankiewicz

Le limier (1972) Joseph L. Mankiewicz

Publié le 14 juin 2022 Mis à jour le 14 juin 2022 Culture
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Le limier (1972) Joseph L. Mankiewicz

Rira bien qui rira le dernier

Cette décennie des seventies qui a vu apparaître une ribambelle de nouvelles figures du cinéma américain a aussi eu pour cadre l’ultime pirouette d’un cinéaste élégant comme on n’en fait plus, Joseph Leo Mankiewicz. Est-ce un hasard si Le limier est un film britannique jusqu’au bout des ongles ? Le réalisateur qui cultiva tout au long de ses films le flegme britannique comme ultime distinction, à l’image du personnage incarné par George Sanders dans All about Eve, signe ici un testament malicieux et pervers très british. Une histoire de manipulation sous la forme d’un huis clos, adapté d’une pièce de théâtre d’Anthony Shaffer. Pourtant le tournage n’a pas été de tout repos : le réalisateur, qui souffre du dos, est victime d’une hémorragie interne et devra poursuivre en chaîne roulante, tandis que Laurence Olivier, qui n’a pas tourné depuis longtemps, n’est pas non plus au mieux de sa forme.

Le début

Le coiffeur Milo Tindle a été invité par Sir Andrew Wyke dans sa splendide demeure dans la campagne anglaise, où figurent de nombreux automates. Très vite, Wyke va révéler à Tindle qu’il connaît la liaison qu’il entretient avec son épouse Marguerite, qui a un train de vie dispendieux, et lui propose un petit jeu de mise en scène pour tromper les assurances, une histoire de vol de bijoux qui les mettrait tous à l’abri. Milo va accepter, forcément, sans savoir qu’Andrew souhaite divorcer d’avec Marguerite. L’amant n’est pas au bout de ses surprises, dont la première ne tarde pas à survenir. Simulant une bagarre pour rendre le cambriolage plus véridique, il apprend de la bouche de son hôte que celui-ci va l’assassiner. Effrayé, Milo demande grâce d’une façon relativement pathétique, ce qui ravit au plus haut point Andrew, qui tient là sa revanche avant de tirer sur lui.

Analyse

Déjà le générique du Limier donne le ton : plusieurs décors et scènes de théâtre se succèdent les uns aux autres. Ce qui permet d’évacuer la seule faiblesse du film : sa forme très théâtrale. Si Joseph L. Mankiewicz raffole de ce genre de mise en scène, ça culmine ici : respect apparent des règles classiques de lieu et d’espace, rareté des personnages, découpage ciselé du scénario, etc. Mais ça fonctionne impeccablement, même si ce côté « hors du temps et de l’espace » confère au long-métrage une forme artificielle qui le dessert un peu. Pour l’exprimer autrement, ça ne respire sans doute pas assez, le spectateur peut vite se sentir confiné dans un espace où les pièges et autres mécanismes sont nombreux. S’il s’est sans doute beaucoup amusé à concevoir son œuvre, le réalisateur devient alors un deus ex machina omniscient et omnipotent que l’on peut presque trouver méprisant.

Cependant la profusion des décors alambiqués, tels le labyrinthe du début du Limier, ou les pièces remplies de pantins articulés, et le scénario truffé de rebondissements, nous entraînent dans un récit malicieux et haletant. Le spectateur se laisse ainsi berner avec plaisir par des retournements de situations nombreux, rythmés par des dialogues savoureux. On connaît le goût de Joseph L. Mankiewicz pour les répliques cinglantes, et l’on peut affirmer qu’il s’en délecte ici sans mesure aucune. C’est d’ailleurs souvent méchant, ce qui accentue le sentiment que l’on peut avoir sur la misanthropie du film et de son auteur, d’autant plus que les deux protagonistes viennent de milieux complètement opposés. Ainsi le personnage principal se comporte-t-il de façon odieuse, et ne manque pas de montrer à son partenaire le mépris qu’il ressent à son encontre.

L’affrontement entre un Laurence Olivier, plus à la fin de sa carrière qu’au début, mais qui se montre ici comme un superbe manipulateur facétieux, et un Michael Caine qui commence à bien se faire connaître, en particulier aux États-Unis, et qui se prend petit à petit habilement au jeu est tout simplement divin. L’humour pince sans rire qui ponctue le récit est délectable pour qui apprécie le second degré et l’ironie bien cinglante. Bref, Le limier offre une brillante porte de sortie à un des meilleurs réalisateurs de l’âge d’or d’Hollywood, et figure parmi les meilleures adaptations théâtrales que l’on a pu voir au cinéma. S’il s’essaye trente-cinq ans plus tard à un remake, Kenneth Branagh ne le réussit par contre pas totalement, effectuant trop de changements par rapport à l’œuvre originale, malgré la bonne idée de reprendre Michael Caine, cette fois dans l’autre rôle, face à un Jude Law tout de même convaincant.

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