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Black Swan (2010) Darren Aronofsky

Black Swan (2010) Darren Aronofsky

Publié le 8 mars 2021 Mis à jour le 8 mars 2021 Culture
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Black Swan (2010) Darren Aronofsky

Ballet, ton univers impitoyable

Si vous n‘avez pas vu Black Swan, il est fortement déconseillé de lire les lignes qui suivent. Parce que parler du film sans révéler quelques éléments clés de l’intrigue parait assez vain. Non pas qu’il soit structuré sur un pitch final artificiel, mais de nombreuses  grilles de lecture du film sont mises en valeur par des éléments scénaristiques clés.

Prenons par exemple la rivalité entre Nina et Beth (au passage d'aucuns étaient déjà depuis longtemps fascinés par la ressemblance - alimentée par le système hollywoodien - entre Natalie Portman et Winona Ryder). On voit clairement dans cette rivalité l’influence des Chaussons rouges - qui va jusqu’à la mise en abîme de Nina et son identification au personnage de ballet qu’elle doit incarner. Et ce n’est pas le seul parallèle que l'on peut établir.

Dans l’école de ballet dirigé par le très sévère Thomas Leroy, la compétition fait rage. La célèbre ballerine Beth MacIntyre commence à prendre de l’âge (toutes proportions gardées) et tout le monde se doute que Leroy va bientôt choisir une nouvelle star pour sa prochaine chorégraphie du Lac des cygnes. Il entretient d’ailleurs malicieusement la tension et choisit déjà une short-list des prétendantes qui vont faire un casting devant lui. Faisant partie de cette première sélection, Nina s’empresse d’aller le dire à sa maman, ancienne danseuse qui a tout sacrifié pour devenir mère. Elle le fait d’ailleurs chèrement payer à sa fille, vivant ainsi par procuration ses ambitions perdues.

Chaque scène de Black Swan est tendue comme un string. La tension est permanente et on ressent tous les tourments du personnage principal et ses émotions. La mise en scène entretient ce climat : mouvements de caméra saccadés, gros plans sur des chairs endolories, suspens maintenu en permanence… le spectateur est mis à l’épreuve tout au long du film. Cette incursion de l’épouvante dans un univers aussi policé (en apparence) que celui de la danse classique est fortement intéressant.

On sait que le milieu des danseuses professionnelles est éminemment compétitif, et que la courte carrière des ballerines est non seulement semée d’embûches mais est surtout extrêmement exigeante. La dévotion à son art, ici parfaitement décrite, exige une abstraction de tout le reste - comme nous l’avait également superbement montré le film cité précédemment de Michael Powell et Emeric Pressburger. Ce que montre encore plus Black Swan c‘est combien cette attente de perfection se fait au détriment physique de ces jeunes femmes.

Dans beaucoup de ses films, Darren Aronofsky met en image la souffrance physique et les blessures de la chair : et dans Black swan encore plus particulièrement. Les douleurs infligées (par elle-même ou par d’autres) à l’héroïne sont mises en perspective avec les tourments psychologiques. Le chemin intérieur que l’oblige à parcourir son chorégraphe pour accéder à l’état de grâce, et qui est à mettre en perspective avec le débat sur le harcèlement subi par de nombreuses femmes, ne peut, selon elle, se faire sans une dégradation physique extrême.

Ce qui la conduit à une schizophrénie et une paranoïa insoutenable, et qui rapproche Black swan d’un Répulsion (toutes proportions gardées). Natalie Portman incarne avec brio cette jeune femme tourmentée - on l’a rarement vue aussi investie dans un rôle - et Vincent Cassel fait très pâle figure à ses côtés (comme d'habitude). La mise en scène de Darren Aronofsky  est intelligente même si elle n'est pas très discrète et qu'elle ajoute parfois trop d’effets dramatiques inutiles : on l‘en excuse volontiers.

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