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Été précoce (1951) Yasujiro Ozu

Été précoce (1951) Yasujiro Ozu

Publié le 30 mai 2020 Mis à jour le 30 mai 2020 Culture
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Été précoce (1951) Yasujiro Ozu

Regarde les temps changer

Au sortir de la Seconde guerre mondiale, Yasujiro Ozu entame la période la plus faste de sa filmographie. En 1949, il tourne Printemps tardif, qui suit le parcours de Noriko, jeune femme indépendante en passe de se marier. C'est ce même prénom que choisit le réalisateur japonais pour le personnage principal d'Été précoce, deux ans plus tard. Si la seconde est un peu plus âgée que la première, elles ont toutes deux cette même soif d'indépendance tout en devant faire un choix marital crucial pour leur destin. Ce sont deux figures de la modernité, dans un Japon tiraillé dont Ozu ne va cesser de dépeindre la société. Il s'entoure ici de ses fidèles collaborateurs, évidemment son acteur fétiche Chishū Ryū, mais également Setsuko Hara, qui jouait déjà dans Printemps tardif, ainsi que le scénariste Kōgo Noda ou son chef opérateur Yūharu Atsuta. Le réalisateur aime tourner avec des proches, et ils le lui rendent bien.

Dans la ville côtière de Kamakura vivent Shukichi et Shige Mamiya avec leurs deux enfants, Noriko et Koichi. Ce dernier est marié à Fumiko, avec qui il a eu deux garçons. Noriko est quant à elle célibataire, au grand dam de ses parents. À 28 ans elle travaille comme secrétaire et part tous les matins à Tokyo, tout comme son frère, médecin et le collègue de celui-ci, Kenkichi, veuf avec un enfant, qu'elle croise souvent sur le quai de la gare. Elle apprend sur son lieu de travail que son amie Chaako va bientôt épouser un ami d'enfance après bien des années de célibat. L'oncle de Noriko et de Koichi vient quant à lui séjourner avec la famille durant une semaine. Les enfants s'amusent de sa prétendue surdité en lui faisant des blagues dont il n'est pas dupe. Promenant les deux garçons avec sa nièce, ils croisent la mère de Kenkichi avec sa petit-fille. Le soir, les aînés assistent à une représentation de kabuki tandis que Noriko dîne avec ses amies.

Les thèmes de prédilection de  Yasujiro Ozu courent tout au long d'Été précoce. Dès le début du film, le spectateur est plongé dans une famille, qui cohabite dans une même maison. Celui que l'on désigne souvent comme son disciple, Hirokazu Kore-eda, ne saurait démentir le fait que les relation intergénérationnelles sont un des piliers du cinéma japonais. Ici Ozu nous montre comment des grands-parents comprennent de moins en moins bien leurs enfants à travers le temps, tandis qu'ils se rapprochent de plus en plus de leurs petits-fils. C'est une idée simple mais efficace et délicatement exploitée. Le contexte temporel est lui-même essentiel : au début des années 1950, le Japon sort d'une Seconde guerre mondiale qui a laissé des traces, et l'évocation du fils disparu en est un stigmate. L'impérialisme culturel américain commence à vouloir s'imposer, comme nous le laisse comprendre Ozu le temps d'un court dialogue entre les deux  jeunes amies.

Car une fois de plus avec Été précoce, Yasujiro Ozu cultive le sens de l'épure et de la simplicité. Il lui suffit de glisser quelques mots pour poser ses personnages, ses situations, son contexte. De même, la situation amoureuse de Noriko, le nerf scénaristique du film, évolue doucement au cours de la narration. Il est d'ailleurs intéressant de voir comme le réalisateur nous pose régulièrement dans le film des jalons pour nous faire comprendre son personnage. Son revirement final, s'il pourrait apparaître comme une surprise, n'est finalement que la résultante logique de plusieurs petits indices disséminés durant le film. Libre d'ailleurs au spectateur de considérer la fin du long-métrage comme optimiste, et elle l'est pour certains protagonistes, et pessimiste pour d'autres. On retrouve encore une fois la finesse dans l'approche d'Ozu, qui nous fait ainsi appréhender cette optique toute dualiste, chère à la culture extrême-orientale.

S'il contient de nombreuses références à la culture japonaise, Été précoce n'en demeure pas moins un film universel. Au début des années 1950,  Yasujiro Ozu choisit ainsi de centrer sa narration sur une femme indépendante, archétype de ce vent de modernité qui souffle doucement sur la planète. Le portrait que le réalisateur fait de ces quatre amies est d'ailleurs très juste, et ui permet d'incarner l'opposition culturelle entre les tenants d'une société matriarcale traditionnelle et les partisans d'un renouveau sociétal. La figure de Noriko incarne à ce titre parfaitement ce paradoxe : elle ne cesse de réclamer son indépendance et pourtant demeure foncièrement attachée à sa famille. Pour interpréter cette jeune femme moderne, la grande Setsuko Hara déploie toute sa palette d'émotions et de sensibilité. À ses côtés,  Chishū Ryū nous offre encore une fois une prestation toute en nuances, à l'image de ce film doux et cruel à la fois.

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