Ridicule (1996) Patrice Leconte
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Ridicule (1996) Patrice Leconte
On ne se méfie jamais assez des mots
Les origines de Ridicule sont à chercher autour de la personne de Rémi Waterhouse, qui souhaitait à l'origine réaliser le film issu de son scénario, coécrit avec Michel Fessier et Éric Vicaut. Mais les producteurs Gilles Legrand et Frédéric Brillion lui préfèrent un metteur en scène plus expérimenté. Après l'avoir proposé à Claude Chabrol ou bien Jean-Jacques Annaud, ils se tournent vers Philippe Carcassonne, fidèle producteur de Patrice Leconte, qui acceptera le projet. Le nom du personnage principal vient sans doute d'une personnalité du XVIIIe siècle qui a un temps habité dans une demeure située sur un marais ultérieurement asséché. Les auteurs en font un ingénieur hydrographe du Génie civil de la Dombes grâce à qui, un carton à la fin du film nous le rappelle, à la Révolution, un décret a paru sur l’assèchement des étangs et marais en France. Quant au film, il fut présenté en ouverture du Festival de Cannes et décrocha par la suite quatre Césars.
Le chevalier de Milletail se présente devant le comte de Blayac et se rappelle à sa mémoire. Plusieurs années auparavant, ce dernier l'avait surnommé « le marquis de Patatra », suite à une chute lors d'un bal. Désormais paraplégique, Blayac ne peut appeler à l'aide lorsque Milletail, qui ne s'est jamais remis de l'affront, se venge en lui urinant dessus. Pendant ce temps, dans les marais de la Dombes, des paysans sont aux champs lorsque Grégoire Ponceludon de Malavoy surprend un enfant qui travaille avec sa mère. Celle-ci met en avant le manque de main d’œuvre mais Grégoire prend le petit Léonard sur son cheval et le ramène chez lui. Il lui fait a promesse que lorsqu'il rencontrera le Roi pour plaider sa cause, l’assèchement des marais, il lui donnera sa médaille à bénir. À la cour, la comtesse de Blayac, quant à elle, revêt ses habits de deuil puisque son mari vient de mourir. À son chevet se trouvent le chevalier de Milletail et le marquis de Bellegarde.
Avec Ridicule, Patrice Leconte réussit de façon remarquable le mélange entre film d'époque, humour et émotion. Le premier élément est ce qui frappe dès le début, où l'on est propulsé dans la France de fin de règne de Louis XVI. L'argent n'est visiblement pas ce qui a manqué à cette production aux décors et aux costumes opulents. La reconstitution historique est assez impressionnante, le réalisateur s'étant attaché aux moindres détails avec parcimonie. Taxé par certains critiques de trop classique et d’ampoulé, le film parvient pourtant à éviter les pièges du film historique. Certaines et certains y ont même vu des parallèles avec notre époque, où les bons mots font et défont la politique et où des célébrités médiatiques sont rapidement supplantées les unes après les autres. Ainsi, au-delà de la satire brillante d'un Ancien-Régime déclinant, le long-métrage ne manque pas de profondeur.
Bien sûr, le plaisir le plus pur de Ridicule se retrouve dans ses excellents dialogues. Les saillies drolatiques qui sont le cœur du scénario nous sont servies par une troupe d'actrices et d'acteurs en harmonie. C'est un bonheur que d'entendre cette langue aiguisée comme un couperet, et qui d'une phrase mal prononcée ou inappropriée peut mettre son auteur au ban de la société. Le scénario de Rémi Waterhouse parvient habilement à mettre en valeur le phrasé si particulier de la cour, et à nous introduire discrètement dans ce monde fermé par l'intermédiaire de cet aristocrate de province peu au fait de ses usages. Le contexte de l'époque nous est, certes un peu grossièrement, dépeint au travers du personnage de Mathilde de Bellegarde, incarné par Judith Godrèche, une jeune femme férue de philosophie et de science, mettant en avant les idées des Lumières alors en vogue.
C'est par son entremise que Ridicule forge son versant dramatique. Elle va entretenir avec Grégoire Ponceludon de Malavoy une romance assez maladroite et qui ne forme pas la partie la plus enthousiasmante du film. Patrice Leconte tente de nouer une rivalité entre la vieillissante comtesse et la fille du marquis de Bellegarde, mais la sauce ne prend pas vraiment. Par contre, l'enjeu dramatique le plus passionnant du long-métrage se trouve dans la peinture même de ses personnages. La comtesse de Blayac, incarnée par une Fanny Ardant rayonnante, passe d'une émotion à une autre de façon spectaculaire, avec une mention spéciale pour le dernier plan où elle apparaît, qui n'est pas sans rappeler celui de Glenn Close dans Les liaisons dangereuses. On remarque aussi Bernard Giraudeau dans l'un de ses plus beaux rôles, et Jean Rochefort une fois de plus exceptionnel de vivacité et de piquant, à l'image du film.