Aline (2021) Valérie Lemercier
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Aline (2021) Valérie Lemercier
Itinéraire d’une enfant choyée
En plus de sa carrière d'actrice, Valérie Lemercier s'est depuis vingt ans essayée à la réalisation. Elle commence avec l'adaptation d'une pièce de Sacha Guitry avant de mettre en scène ses propres scénarios, parfois écrits à quatre mains, tel Palais royal, avec Brigitte Duc. C'est une fois de plus le cas pour Aline, une fiction librement inspirée de la vie de Céline Dion. Appréciant la chanteuse depuis longtemps, Valérie Lemercier est persuadée que le parcours de la québecoise recèle l'étoffe d'un long-métrage. Assistant régulièrement à ses concerts, elle essaye de capter ses moindres gestes et ses mimiques, souhaitant interpréter elle-même l'artiste dans son film. Elle ira même jusqu’à prêter son visage actuel à la jeune fille du début, créant un décalage amusant et assez malin. Il faut dire que Lemercier n’est pas à une facétie près, et qui a vu sa performance dans la parodie de L’école des fans dans Les Nuls L'émission sait combien elle aime se travestir et se mettre dans la peau d’une enfant.
Le père d'Aline Dieu grandit au Québec dans les années 1930, au sein d'une famille modeste. Quand il rencontre sa future épouse Sylvette, c'est le coup de foudre mutuel. Le jour de leur mariage, il lui annonce qu'il ne veut pas d'enfant. Les années passent et pourtant leurs filles et leurs fils se suivent : ils en auront quatorze. Ils prénomment la dernière Aline après avoir entendu Christophe chanter son tube, et la petite fille grandit parmi ses sœurs et ses frères, les regardant souvent donner des performances sur scène. Elle chante régulièrement lors de mariages, de fêtes de famille, et tout le monde est impressionné par sa voix, à tel point que quand elle a douze ans, ses parents décident de lui écrire une chanson et d'envoyer un enregistrement au producteur Guy-Claude Kamar. Ils attendent impatiemment une réaction de sa part, et sont convaincus qu'il saura reconnaître son talent, puis finissent par le rappeler. Une fois qu’il a écouté la chanson, il demande à rencontrer la jeune fille au plus vite.
De trop nombreux biopics ne sont pas réussis, voulant coller de trop près aux faits réels ou faisant de façon trop complaisante l’éloge de leur sujet. Ce n’est certainement pas le cas d’Aline, qui revendique dès son affiche être une œuvre de fiction qui, certes, s’inspire de la vie d’une célébrité. La veine de la comédie prend dès les premières scènes le pas, et le fait que le visage de Valérie Lemercier apparaisse sur les épaules d’une enfant joue indéniablement. Mais l’humour de la réalisatrice transparaît aussi au travers des dialogues, finement ciselés, et des diverses péripéties qui émaillent le film. Il faut dire que le personnage en lui-même de Céline Dion, et plus encore cet alter ego qu’elle s’est petit à petit créé a en soi matière à comédie. Pourtant à aucun moment le regard de la caméra n’est moqueur, et de nombreux moments du film sont franchement émouvants. C’est que la réalisatrice prend son sujet à bras le corps, et sa sincérité transparaît tout du long.
Ainsi, que l’on aime ou pas Céline Dion, en tant que chanteuse comme en tant que femme, on peut facilement se laisser émouvoir par Aline. Car nonobstant de traiter d’une personne célèbre, le film trace le parcours singulier d’une fille talentueuse qui a su se construire un destin. Et l’on se rend compte que mine de rien, que l’on le veuille ou non, chacun de nous a plus ou moins grandi avec elle. De ses premiers pas devant une caméra française, aux côtés de Michel Drucker, à son apparition au Concours Eurovision, puis à la cérémonie des Oscars ou sur la scène du Caesars Palace de Las Vegas, de nombreuses images nous reviennent à la mémoire. La plupart des scènes qui figurent un moment clé de la vie de la chanteuse nous sont d’ailleurs joliment retranscrites par l’intermédiaire de sa mère, qui n’a eu de cesse de la soutenir. Quant à sa vie privée, elle a tellement émaillé les journaux que la seule apparition des personnages incarnant ses proches devant l’écran nous semblent familière.
La performance de Valérie Lemercier dans Aline est en tout cas assez exceptionnelle. L’actrice a souvent montré ses talents d’imitatrice, et s’est régulièrement amusé à modifier son apparence physique pour des rôles. Ici c’est avec beaucoup de subtilité qu’elle endosse ce personnage, ne cherchant jamais à copier Céline Dion. Les règles sont dès le début établies, puisque l’on assiste aux aventures d’Aline Dieu, prénommée ainsi en référence à la chanson de Christophe. Il se trouve d’ailleurs, pour la petite histoire, que c’est plutôt le Céline d’Hugues Aufray qui inspirera ses parents. Les petits jeu avec la réalité sont ainsi constants, apportant un peu de fraîcheur à un film qui sinon aurait rapidement pu sentir le panégyrique. Souvent filmée en plans larges, la silhouette de Valérie Lemercier ressemble à s’y méprendre à son modèle, chevelure comprise, allant jusqu’à arborer les tenues qui ont fait son succès. S’il est un peu trop long, le film n’en reste pas moins un très bon moment de cinéma, divertissant et touchant.