Un vrai bonhomme (2020) Benjamin Parent
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Un vrai bonhomme (2020) Benjamin Parent
Masculinité toxique et passage à l'âge adulte
Issu d'univers divers, Benjamin Parent réalise avec Un vrai bonhomme son premier long-métrage. Il débute sa carrière en compagnie de Thomas VDB, avec qui il écrit des spectacles et des chroniques sur France Inter. Puis il travaille avec Riad Sattouf qui sort des Beaux gosses et prépare la série en ligne Les collocs. Il s’attelle alors à l'écriture et à la réalisation de court-métrage, dont le remarqué Ce n'est pas un film de cow-boys, qui traite de l'homosexualité et de l'adolescence. Il poursuit ensuite sa veine scénaristique, écrivant avec Hugo Gélin Mon inconnue, tout en continuant à collaborer à des séries comme Les grands, diffusé sur OCS. C'est lors d'une panne d'écriture avec ses collègues qu'ils lui soufflent l'idée de cet adolescent ayant du mal à faire son deuil. Puisant en partie dans son vécu, il traite une fois de plus de cet âge ingrat et des injonctions qui sont faites aux hommes dans la société.
Tom lit avant de se coucher Le Portrait de Dorian Gray quand son grand frère Léo entre dans sa chambre. Il vient de se préparer pour sortir, et dit au-revoir à ses parents avant de prendre le volant. Au passage il prend Tom à ses côtés, qui le rejoint alors qu'il fume un joint. Ils discutent et rigolent quand tout à coup la voiture percute une bête sauvage. Aidé par son frère, Tom parvient à s'extraire de l'habitacle et en réchappe, Deux ans plus tard, sa mère attend un nouvel enfant et il se prépare pour aller dans un nouveau lycée. Arrivé sur place, il se fait conseiller par Léo, qui lui dit de ne pas traîner autour des « boloss » et de plutôt s'attirer les faveurs des mecs cools. Tom se dirige alors vers eux et leur demande où se trouve sa salle de classe. Ils lui indiquent un chemin compliqué, lui assurant qu'il n'est pas dans la bonne partie du lycée. Après s'être perdu, essoufflé, il entre dans la salle et y trouve les jeunes hommes.
Une ligne claire traverse Un vrai bonhomme. Le scénario du film de Benjamin Parent est simple et direct, bien qu'il réserve quelques surprises somme toute attendues. Le quasi-twist que l'on voit venir n'intervient qu'au bout d'un quart d'heure et n'a rien d'une afféterie, comme c'est souvent le cas pour ces surprises narratives. Cet effet est présent pour mieux poser le personnage de Tom, et pour incarner son trouble. Aucune histoire parallèle ne vient ainsi surcharger le récit, qui se concentre sur cet adolescent particulier. En même temps, et c'est aussi la force de cette simplicité, cela pourrait tout aussi bien caractériser un autre adolescent, et l'adjonction d'un comparse au protagoniste en la présence de ce garçon atypique et qui assume pourtant en apparence beaucoup mieux son mal-être est une astuce pas très fine mais tout de même assez bien trouvée, et qui s'inscrit de façon homogène dans le récit.
Sur le fond, Un vrai bonhomme a le mérite d'avoir un argument clair qu'il n'enfonce pas lourdement. On sent bien monter petit à petit la thématique de la masculinité toxique et de ses ravages : la scène de soirée au bord de la piscine, avec son cortège de boissons alcoolisées et de mecs lourds en est un aboutissement flagrant. Mais le propos du film ne s'arrête pas à un jeune garçon qui se cherche – et d'ailleurs une fausse piste est habilement lancée avec les regards lancés sur Tom par le sensuel Sami Outalbaki, aperçu dans Sex education. C'est plutôt les thèmes de l'éducation et du regard parental qui finalement prennent le dessus : ne parvenant pas à faire le deuil, le père de l'adolescent lui fait finalement porter tout le poids des espoirs qu'il estime avoir perdus avec la mort de son aîné. Notons que le personnage de la mère est tout aussi coincée dans un schéma hétéro-normatif conservateur de douceur et de patience.
Mais le fait qu'Un vrai bonhomme soit réalisé par un homme, qui plus est hétérosexuel, et qui avait pris pour thème l'homosexualité dans sa précédente œuvre, n'est pas inintéressant. Dans une ère post-me too où le jour d'après est à réinventer, cela n'est pas plus mal que les mâles blancs dominants remettent en cause le système patriarcal. On ne trouvera rien de révolutionnaire ici mais peut-être est-ce aussi par petites touches que les consciences évoluent. Il s'appuie ici sur un casting solide bien qu'attendu : on a déjà vu de nombreuses fois Isabelle Carré et Laurent Lucas incarner ce genre de rôles, et Benjamin Voisin se pose une fois de plus comme l'étoile montante du cinéma français qu'il est. En terme de mise en scène, le film ne casse pas trois pattes à un canard tout en restant élégant et maîtrisé. Cet équivalent cinématographique d'un récit d'apprentissage mérite en tout cas sérieusement le coup d’œil.