Ricky (2009) François Ozon
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Ricky (2009) François Ozon
Les ailes du délire
La thématique de la parentalité, qui tient une importance capitale dans Ricky, court tout au long de la filmographie de François Ozon. Dès ses premiers, et nombreux, courts- métrage, le réalisateur met en scène des relations entre parents ou bien différents regards maternels. Son premier long, Sitcom, nous offre une vision peu orthodoxe de l'univers familial, puis ses 8 femmes présentent une mère et un père assez peu habités par leur fonction. Le temps qui reste opère un virement, avec cet homosexuel condamné obsédé par la paternité. Plus tard Le refuge questionnera la maternité en situation trouble. Pour Ricky, Ozon s'inspire d'une nouvelle de la romancière britannique Rose Tremain, déplaçant l'intrigue qui se passait dans le milieu défavorisé d'un état américain pour l'ancrer au sein d'une cité ouvrière française. Pour incarner le personnage principal, il caste Alexandra Lamy, qui jusqu'ici n'avait pas tenu de grand rôle au cinéma.
Katie, en pleurs, explique à une assistante sociale combien sa vie est difficile : elle a dû s'arrêter de travailler depuis la naissance de son fils, dont le père, Paco, a quitté le domicile. Elle est à bout et envisage même de placer cet enfant qu'elle ne parvient plus à contrôler. Quelques mois plus tôt, elle rencontrait Paco dans le cadre de son travail : il est embauché dans la même usine de produits chimiques. Le coup de foudre entre eux deux est immédiat et l'homme vient rapidement habiter chez Katie, au grand dam de sa fille de sept ans, Lisa. Très vite Katie tombe enceinte et accouche d'un garçon qu'ils prénomment Ricky. Au désir d'être père de Paco se succède une lassitude du quotidien, il n'éprouve aucun intérêt dans l'éducation de Ricky et laisse à Katie le soin de s'occuper de lui. Bientôt la jeune femme se retrouve débordée et leur relation de couple s'en trouve fortement affectée.
Formellement, Ricky s'inscrit dans un genre a priori balisé, celui de l'univers du fantastique. Le sujet du film n'est pas un secret puisque dès la fin du premier tiers commencent à apparaître les stigmates chez le bébé. L'étrangeté ne fait alors que s'accentuer, frisant parfois le burlesque dans cette scène de supermarché surréaliste et franchement pas réussie. Une pincée de gore s'ajoute à ce cocktail, la monstruosité de Ricky et son évolution souvent peu ragoûtante n'étant pas épargnée au spectateur. La dimension féerique intervient également, dès le but où un carton brouille la temporalité, celle-ci étant a posteriori encore plus renversée lorsque le spectateur tente de mettre en perspective la scène inaugurale du film, qui pourrait tout aussi bien être intercalée au milieu ou à la fin. Cette dernière option rapprocherait alors Ricky d'un autre film de François Ozon, 5x2, dont la construction avait toutefois une puissance émotionnelle beaucoup plus forte.
Ainsi Ricky mélange les genre et sème continûment le trouble, et d'ailleurs on pourrait même parfois croire que François Ozon réalise un drame. En ancrant ses personnages dans une réalité sociale très marquée, il nous laisse à penser qu'il souhaite transmettre un discours presque engagé. Il force cependant le trait tellement fort que son histoire – au delà du côté fabuliste de son propos – perd de sa crédibilité. Les défaillances de la mère nous sont trop souvent rappelées, tout comme le contexte social miséreux duquel elle fait partie. Le jeu appuyé d'Alexandra Lamy n'arrange rien à l'affaire, son manque de subtilité ne faisait que souligner l'incongruité de la situation. Ces touches de réalisme au milieu de cette intrigue surnaturelle pourraient opérer un contraste étonnant, mais au final c'est comme si deux films parallèles se déroulaient devant nos yeux, ne parvenant jamais à se rejoindre.
D'autant plus qu'à la fin de Ricky, on se retrouve avec de nombreuses questions et quasiment pas de réponses. Le film se prête d'ailleurs facilement à la théorie selon laquelle il existerait pour une même œuvre autant d'interprétations que de spectateurs. Certains considèrent que l'histoire serait une métaphore de la perte d'un enfant et du déni opéré chez la mère, ce qui pourrait apparenter Ricky à certains films de François Ozon dont Sous le sable serait le prototype. D'autres y verraient le symbole d'une schizophrénie qui rapprocherait le film d'un Amant double. D'aucuns iraient même jusqu'à extrapoler des allusions homosexuelles, fécondes dans la filmographie d'Ozon, à partir de l'acceptation de la différence d'un enfant pas comme les autres. Le mystère plane ainsi sur ce que le réalisateur souhaite raconter au travers de cette histoire peu banale et qui par sa lourdeur peine à convaincre.