Yentl (1984) Barbra Streisand
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Yentl (1984) Barbra Streisand
Moi si j’étais un homme…
Quand Barbra Streisand réalise son premier film, Yentl, elle est actrice de cinéma depuis une quinzaine d’années. Elle a commencé sa carrière à Broadway avant de signer ses premiers contrats en tant que chanteuse. Elle alterne ainsi au cinéma des comédies musicales qui lui valent parfois des récompenses (notamment l’Oscar de la meilleure actrice pour Funny girl), celles-ci s’ajoutant aux divers Grammy awards qu’elle a pu glaner au cours de sa carrière musicale. Au passage, Yentl lui vaudra un Golden Globe de la meilleure réalisatrice (elle fut longtemps la seule femme lauréate de ce prix) et un autre pour le film, tandis que le compositeur du film, Michel Legrand, recevra l’Oscar de la meilleure adaptation musicale (le troisième de sa carrière).
Sur le marché d’un village d’Europe de l’Est, au début du XXe siècle, le jeune Yentl est déconcentré quand elle voit passer une carriole avec un vendeur de livres. En s’approchant, elle pioche un livre sur la religion et le vendeur lui fait remarquer que les « livres pour femmes », sous-entendu les romans avec des illustrations, sont de l’autre côté. Elle s’en sort en disant qu’elle achète le livre pour son père, qu’elle rejoint pour préparer le repas. Le plat brûle tandis qu’elle dévore son livre, et que son père termine une leçon sur les enseignements de la Torah. Son élève n’est pas brillant, et c’est Yentl qui lui souffle toutes les bonnes réponses. Au départ de l’étudiant, et lassé des insistances de sa fille, le père de Yentl consent à entamer un débat philosophique.
Sur le papier, Yentl dispose d’arguments tout à fait convaincants. La reconstitution d’époque est tout à fait soignée, et on voit bien que Barbra Streisand a bien potassé un sujet qui visiblement l’intéresse. D’ailleurs le film n’est pas tant une thèse sur l’orthodoxie juive en Europe de l’Est au début du vingtième siècle qu’une exhortation certes maladroite mais pleine de bons sentiments à l’ouverture, à la tolérance et au féminisme.
De beaux messages sont délivrés sur l’importance du savoir et sur la pertinence de l’éducation pour les femmes, mais avant tout ce qui frappe c’est le dispositif du film en lui-même. Rien ne vaut une situation convaincante pour faire passer un discours, et l’histoire de cette femme déguisée en homme qui tombe amoureuse d’un homme dont la fiancée va tomber amoureuse d’elle est assez savoureuse. Les comédies sur le travestissement n’ont pas attendu Yentl pour exister, mais l’engagement et l’énergie dont fait preuve Barbra Streisand méritent qu’on s’y intéresse.
D’autant plus que l’interprète masculin principal de Yentl, Mandy Patinkin n’est pas déplaisant à regarder, surtout lors d’une scène de baignade naturiste qui n’est pas sans rappeler Chambre avec vue, qui sortira deux ans plus tard. Le problème du film c’est plutôt les scènes de chant, qui ponctuent assez lourdement l’intrigue. Si on ne peut que saluer la performance vocale (si tant est qu’on apprécie la catégorie des chanteuses dites « à voix »), ces scènes désamorcent l’émotion qui pourrait poindre. Reste un film d’une facture tout à fait correcte, et dont le message universaliste n’est pas déplaisant.