Supernova (2021) Harry Macqueen
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Supernova (2021) Harry Macqueen
Les sentiers de la déperdition
On ne connaît pas bien Harry Macqueen en France. Son premier film, Hinterland, pour lequel il s’était investi en tant que réalisateur, scénariste, acteur et producteur, avait pourtant reçu quelques bons échos dans divers festivals. Sa carrière d’acteur avait débuté à la fin des années 2000 dans un long-métrage de Richard Linklater, puis il a incarné un rôle récurrent dans la série EastEnders, populaire en Grande-Bretagne. Il s’est intéressé par hasard au thème de la dépendance par le thème de plusieurs de ses proches qui ont dû affronter une certaine forme de démence dans leur entourage. En faisant des recherches, il s'est rendu compte que cette question ferait l’objet d’un traitement cinématographique intéressant, et, de fil en aiguille, est parvenu à convaincre le producteur de Andrew Haigh de l’intérêt de son projet. Bientôt les noms de Stanley Tucci et de Colin Firth vont venir étoffer le casting du film, qui sera tourné dans une région peu peuplé du nord-ouest de l’Angleterre.
Sam et Tusker voyagent en camping-car, se chamaillant sur le fait de choisir une bonne vieille carte routière ou un GPS pour trouver leur chemin. Ils s’arrêtent dans une cafétéria où Tusker titille son compagnon, lui faisant croire que la serveuse l’a reconnu. Sam est en effet pianiste, tandis que Tusker, écrivain, l’a convaincu de donner un récital dans un village. Sam propose de s’arrêter pour faire une pause, ce que Tusker refuse, en lui disant qu’il va très bien et qu’il n’est pas fatigué. Plus tard, Sam va faire des courses dans un supermarché, et quand il retourne au véhicule, Tusker a disparu. Il le retrouve plus loin, promenant leur chien, ayant l’air confus et désorienté au bord de la route. Quand son partenaire lui demande où il a mis ses médicaments, il lui répond qu’il a décidé de ne pas les prendre dans ses bagages, trouvant qu’il n’en avait pas besoin. Ils regardent ensemble les étoiles, et Sam demande à Tusker de lui montrer où e trouve la Voie lactée.
Dès le début de Supernova, le spectateur est invité à un voyage, dont il ne connaît pas la destination. Les deux protagonistes, que l’on va suivre du début à la fin du film, vadrouillent sur les routes anglaises et, même s’ils ont un objectif, ils n’ont pas l’air d’être pressés par le temps. Ils se permettent même un petit détour au bord d’un lac pour se souvenir d’un des moments fondateurs de leur relation, ce qui occasionne une scène tendre et contribue à la douceur générale de l’œuvre. Le ton choisi par le long-métrage est d’ailleurs pertinemment choisi, en contrepoint avec son sujet principal. Car si de trajet il est question, c’est surtout une métaphore qu’Harry Macqueen met en image, celle d’un parcours, personnel et de couple, vers la mort. Or, la majeure partie du film est baignée d’une douce lumière, et, même si des tensions surviennent, la bienveillance des personnages est apaisante. Que ce soient sur les sujets de l’homosexualité ou de la maladie, tout le monde a l’air compréhensif et calme, ce qui est appréciable.
Pourtant la thématique de la démence précoce, et des conséquences qu’elle peut avoir, à la fois sur la personne atteinte et sur son entourage, n’est pas des plus joyeuses. Supernova s’en sort remarquablement à ce niveau, et son absence de pathos ni de sentimentalisme est à mettre à son crédit. La simplicité est de mise durant tout le film, et le scénario d’Harry Macqueen ne nous renseigne que sur l’essentiel. Ainsi la maladie de Tusker n’est jamais nommée, le spectateur comprend assez vite qu’il souffre de troubles liés à la désorientation spatiale et à des pertes de mémoires plus ou moins fréquentes et plus ou moins intenses, qui ne peut qu’aller en s’accentuant avec les années. De même ne connaît-on que peu de l’environnement de ces deux hommes, qui s’aiment sincèrement et depuis longtemps, ce que l’on assimile très vite. Une seule scène de retrouvailles, très belle et très touchante, nous permet de rencontrer une partie de leur famille et de leurs amis, ce qui est suffisant.
Ainsi la mise en scène de Supernova se concentre-t-elle sur ces deux personnages, dont on va suivre le parcours intime tout du long. Leurs réactions et l’évolution de leurs pensées va nous être présentée très simplement et c’est avec beaucoup de délicatesse qu’Harry Macqueen aborde les sujets les plus sensibles de son scénario. Il est aidé dans sa tâche par un casting de haut rang, en tête duquel on trouve Stanley Tucci et Colin Firth. On est ravi de retrouver le premier dans un premier rôle fort, qu’il aborde avec finesse, ne se sentant visiblement pas submergé par la lourde tâche de devoir incarner « le malade », ce qui transparaît très naturellement dans son jeu. Le second, visiblement habitué à jouer les homos concernés par la perte d’un être cher (on pense bien sûr au magnifique A single man), apporte tout son talent et donne un visage plus que crédible à cet homme qui ne dit rien mais n’en pense pas moins. L’émotion affleure ainsi très délicatement dans un film élégant et pudique.