Secret de famille (2021) Cristiane Oliveira
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Secret de famille (2021) Cristiane Oliveira
Naissance des pieuvres
Originaire de Porto Alegre, Cristiane Oliveira a grandi artistiquement au Festival de Berlin. Elle y a présenté ses premiers courts-métrages, puis plusieurs films où elle officiait en tant que productrice ou scénariste. En 2017 y est montré son premier long-métrage, Nalu on the border, inédit en France mis à part sa présentation au festival nantais des Trois continents. Avec son deuxième film, Secret de famille, elle s’intéresse une fois de plus à un récit d’apprentissage féminin dans une région du Brésil. Plus précisément, l’histoire se déroule dans le sud du pays, où plusieurs migrants originaires d’Allemagne sont venus s’installer durant le XIXe siècle. Les personnages principaux sont d’ailleurs des descendantes de ces colons, les voix féminines étant majoritaires. La réalisatrice souhaitait mettre l’accent sur ces déracinés qui, originairement, ont été appelés pour « blanchir » la main d’œuvre du pays et qui tentent aujourd’hui de maintenir un semblant de communauté.
Accompagnée de son père, Joana rend un dernier hommage sur la dépouille de sa tante, récemment décédée. Une femme du coin fait un discours en son honneur de la part de l’association des artisans locaux, dont elle faisait partie. Joana dépose sur son corps une des figurine qu’elle l’avait aidée à fabriquer. Elle retrouve à l’école son amie Carolina, dont la mère habite en Allemagne. C’est la rentrée des classes, et elles découvrent avec bonheur que de plus en plus d’éoliennes ont été installées dans la région. Joana habite avec sa mère et sa grand-mêre, avec qui elle prépare des gâteaux qu’elles vendent sur des marchés avec les figurines. Avec sa copine, elles discutent de l’enterrement de sa tante et du fait qu’elle n’avait jamais eu d’homme dans sa vie. Quand Carolina lui confie qu’elle a embrassé quelqu’un durant les vacances, elle lui demande qui c’est mais son amie lui répond qu’elle ne le connaît pas. Joana lui dit lors que sa mère refuse qu’elle se fasse embrasser.
Durant une heure et demie, Secret de famille nous raconte le récit d’apprentissage de cette adolescente. On devine qu’elle a à peu près 13 ans et elle commence à expérimenter ses premières émotions. Elle doit tout d’abord se confronter au deuil d’une femme dont elle était proche, et dont elle se rend compte qu’elle ne connaissait pas grand-chose. Les secrets entourant cette tante étaient d’ailleurs savamment gardés par sa famille, et l’on apprendra au cours de l’histoire que sa grand-mère n’avait plus vraiment de contacts avec sa propre fille. Puis Joana va apprendre à éprouver des sentiments contradictoires avec les filles et les garçons de son entourage. Timide, elle va peu à peu s’émanciper et écouter son propre instinct, découvrant peu à peu des sensations qu’elle n’avait jusqu’alors jamais perçues. Tout ceci n’a rien de très original, et l’on a vu ça dans de nombreux films, et d’ailleurs le scénario ne réserve pas de grandes surprises à cet égard.
Le script de Secret de famille n’est pas plus novateur concernant la question centrale du film, que l’on devine dès le premier quart d’heure, et qui va nous occuper tout du long. En effet, si cette fameuse tante a toujours été célibataire, c’est sans surprise parce qu’elle aimait plus la compagnie des femmes que celle des hommes. Si cela n’est à aucun moment verbalisé, ou alors uniquement à demi-mot, ce fameux secret ne l’est pour personne, et avant tout pas pour le spectateur, qui le devine tout de suite. On n’est pas plus dupe au sujet de la préoccupation première de Joana, qui ressent bien vite une attirance pour sa meilleure amie sans savoir de quoi il retourne. À cet égard, la construction de cette idylle naissante est relativement bien faite, même si l’on peut se sentir frustré que cela ne se développe pas plus rapidement. Mais vu l’âge des deux protagonistes, dont l’une est pourtant déjà plus au clair avec son orientation sexuelle débutante, on ne peut pas vraiment reprocher cette lenteur.
Le cadre dans lequel se déroule Secret de famille mérite que l’on s’y attarde. Les deux familles dans lesquelles grandissent Joana et Carolina ne sont pas banales dans cette région traditionnelle du Brésil. La première est élevée par deux femmes, de caractères radicalement différents. Sa grand-mère assume sa liberté, débordant de sensualité et séduisant les hommes sans se soucier du qu’en dira-t-on. Sa mère par contre, et sans doute par ricochet, a du mal à se laisser séduire par cet homme dont elle se sent pourtant attirée. Notons au passage que celui-ci est d’une culture radicalement différente de la leur, ce qui est bien entendu mal vu et redouble ses craintes. La seconde adolescente vit elle aussi dans un foyer monoparental, mais uniquement avec son père, tandis que sa mère fait ses études en Allemagne. En tout cas, à l’heure où les avancées sociales ont déclinées depuis l’arrivée de Jair Bolsonaro au pouvoir, et même si le film a été conçu avant son élection, ses thématiques résonnent tout de même de façon vibrante.