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Mon oncle Frank (2020) Alan Ball

Mon oncle Frank (2020) Alan Ball

Publié le 21 janv. 2021 Mis à jour le 21 janv. 2021 Culture
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Mon oncle Frank (2020) Alan Ball

Mon beau placard

On a entendu parler d’Alan Ball pour la première fois en 2000 lorsqu’il remporta l’Oscar du meilleur scénario original pour American beauty. Il s'est ensuite tourné vers la télévision et a créée la série Six feet under, dont il va écrire et réaliser plusieurs des épisodes durant ses cinq saisons. Il sera aussi à la manette sur le scénario de nombreux épisodes de True Blood, une série qu’il créé en 2008, ainsi que de Here and now, qu’il lance dix ans plus tard. Passé légèrement inaperçu, son premier film, Tabou(s), réunissait pourtant Toni Collette, Maria Bello et Aaron Eckhart. Son deuxième long-métrage, Mon oncle Frank, a été quant à lui présenté au Festival de Sundance avant qu’Amazon n’acquière ses droits de distribution. Après un passage au Festival de Deauville, où il a décroché le Prix du public, il est donc sorti fin 2020 sur Prime Video. Le réalisateur, ouvertement homosexuel, s’est inspiré de certains événements personnels, par exemple l’histoire d’un de ses oncles ayant ramené sur la berge le corps de son petit-ami qui s’était noyé.

Beth se souvient de son adolescence, qu’elle a passé dans la petite bourgade de Creekville, en Caroline du sud, entouré par ses cousins et toute sa famille, en particulier son oncle Frank, qui n’était pas comme les autres. Habitant New-York, il ne venait pas souvent les voir et prenait un soin tout particulier à s’intéresser à sa nièce, quand personne d’autre ne prenait cette peine. Professeur à l’université, il prenait soin de lui, parlait de livres et la faisait rire, mais elle voyait bien qu’il n’était pas apprécié de tous, y compris de son propre père. Tandis qu’elle lui demande comment se passe sa vie à New-York, il l’encourage à venir le voir, même si ses parents ne l’accepteraient jamais. Il la pousse aussi à se libérer et à s’épanouir en dehors des carcans. Il lui recommande de faire attention à elle et de se tourner vers lui si elle a un problème, si elle veut prendre la pilule ou si elle tombe enceinte. Quatre ans plus tard, elle s’inscrit à l’université de New-York et passe une soirée chez Frank avec ses parents.

Trois temporalités se mélangent assez harmonieusement dans Mon oncle Frank. Une voix nous introduit l’histoire, c’est celle d’Elizabeth, qui se souvient de sa jeunesse. Si l’on ne verra jamais son visage d’aujourd’hui, le fait qu’elle inaugure et qu’elle introduise le film nous incite à regarder les événements qui s’y situent à l’aune de la période actuelle. La majeure partie de la narration se situe en 1969 puis quatre ans après, où le nœud de l’intrigue va se nouer puis se dénouer autour d’un road trip organisé lors du décès du grand-père de cette fameuse Betty, qui se fait désormais appeler Beth. Elle est  accompagnée de son oncle Frank, ainsi de son compagnon, qu’il fréquente depuis dix ans sans l’avoir dit à sa famille. À cette occasion, Frank se remémore un épisode douloureux de son enfance, où son père l’avait surpris au lit avec un garçon. Si elle semble compliquée, cette intrigue est amenée de façon assez fluide, Alan Ball n’ayant pas volé ses talents de scénariste.

De l’émotion, on en trouve à foison dans Mon oncle Frank, sans que le film ne verse dans un mélo trop appuyé. Plusieurs scènes, qu’il vaut mieux ne pas divulgâcher tant certains petits effets sont si soudains qu’on ne les attend pas, ou en tout cas pas comme ça, font ainsi un effet bœuf sur le spectateur. Bien entendu, cela est lié à l’homosexualité du personnage principal du film, et au fait qu’il a vécu une double vie : out avec ses amis, dans la grande ville qui ne dort jamais, placardisé au sein de sa famille, rurale et rétrograde. On n’est pas loin du cliché mais cela prend relativement bien, d’une part parce que l’on sait que de telles situations existent, y compris de nos jours, d’où l’intérêt de la voix off, d’autre part grâce à l’incarnation de ses personnages et la subtilité avec laquelle chacune et chacun s’empare de son rôle. Certes cette histoire d’homophobie intériorisée n’apporte rien à un débat que l’on connaît assez bien, mais elle est crédible et sincère.

Cette force dans l’incarnation des personnages de Mon oncle Frank est portée par des actrices et des acteurs que l’on a plaisir à voir. On ne l’attendait pas forcément au tournant, lui qui a plus souvent joué des rôles de super-héros, et pourtant Paul Bettany prend à bras le corps ce rôle d’homme qui soit au cours du film se confronter à ses propres contradictions. À ses côtés, on retrouve la jeune Sophia Lillis, qui a repris le rôle de Nancy Drew dans le reboot qui n’est pas encore sorti en France, et le libanais Peter Macdissi, qui jouait un professeur d’art dramatique dans Six feet under. Les seconds rôles ne sont pas en reste puisque la sœur de Frank est interprétée par la toujours aussi juste Judy Greer tandis que Margo Martindale, récemment remarquée dans Mrs America et Lois Smith, étonnante et pimpante pour ses 90 ans, jouent des matriarches plus que convaincantes. Voilà donc un film qui ne réinvente pas la poudre mais qui nous offre un reflet détonant de l’Amérique contemporaine.

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