Mala noche (1985) Gus Van Sant
Sur Panodyssey, tu peux lire 30 publications par mois sans être connecté. Profite encore de 29 articles à découvrir ce mois-ci.
Pour ne pas être limité, connecte-toi ou créé un compte en cliquant ci-dessous, c’est gratuit !
Se connecter
Mala noche (1985) Gus Van Sant
My own private Oregon
Tourné en 16 mm avec peu de moyens, le premier film de Gus Van Sant est adapté de l’autobiographie éponyme de l’écrivain originaire de Portland, Oregon, Walt Curtis. On ne peut pas voir Mala noche, qui a mis 20 ans à sortir en France, à la faveur d'une sélection tardive en séance spéciale à la Quinzaine des réalisateurs, sans penser aux conditions difficiles du tournage.
Nombreux plans de Mala noche furent tournés à l’arraché, sans autorisation, et ça se ressent dans le ton et à l’image. Premier film annonciateur des œuvres suivantes du réalisateur, en particulier My own private Idaho, il fait aussi penser au Permanent vacation de Jim Jarmusch, sorti quelques années plus tôt : même esthétique noir et blanc, même volonté de s’attacher à des adolescents marginaux.
Walt habite à Portland, dans l’Oregon. Il tient une petite épicerie où se mélange une faune éclectique. Il y reçoit notamment une bande d’immigrés mexicains à qui il fait souvent crédit. Enfin surtout à Johnny et sa belle gueule. Walt en est tombé raide dingue et ferait tout pour attirer l’attention de ce jeune adonis à peine majeur. Oui mais voilà, Johnny n’a que faire de Walt. Celui-ci va tout de même réussir à s’infiltrer du petit groupe d’amis composé de Johnny et de son ami Roberto. Entre étreintes brèves mais fougueuses et tentatives d’éviter la police locale, les jeunes adultes vont essayer de trouver leur place et de profiter tant bien que mal de l’instant présent.
C’est en toute décontraction que Gus Van Sant filme ses personnages et leurs errances tantôt gaies tantôt sordides. Capter l’ère du temps et vivre au jour le jour sans penser au lendemain, voilà ce qui motive les adolescents de Mala noche. La misère s’oublie alors peu à peu pour laisser place à une certaine insouciance, nécessaire sans doute pour supporter les infortunes du quotidien de l’immigré sans papier qui rêve d’une place au soleil.
C’est sûrement une des raisons pour laquelle le Johnny « belle gueule » de Mala noche s’amuse tellement à repousse Walt, le gringo qui est tellement fou de lui. Un renversement des valeurs s’opère alors, l’opprimé se venge malgré lui et c’est non sans un certain masochisme que Walt se laisse emporter par sa passion sans espoir.
On peut voir dans Mala noche autant de références à la beat generation (que Gus Van Sant évoquera aussi dans Drugstore cowboy) qu’à la Nouvelle vague. Avec un grain très particulier et une façon de filmer les visages au plus près, le réalisateur donne à son film une esthétique underground très particulière et qui ne manque pas de charme.
Les acteurs sont pleins de fraîcheur et d’innocence, on remarque tout particulièrement le talent très naturel de Tim Streeter. Le jeune acteur qui retombera aussitôt dans l’anonymat arrive à insuffler au personnage de Walt une lueur de grâce presque inattendue, vu le contexte. Œuvre de jeunesse, ce premier long de Gus Van Sant est donc a posteriori primordial pour la construction d’une filmographie parfois attachante, parfois agaçante, mais qui ne manque pas de cohérence.