Le fantôme de l'opéra (1925) Rupert Julian
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Le fantôme de l'opéra (1925) Rupert Julian
Le prix méphistophélique du succès
Dès sa première édition, Le fantôme de l'opéra est devenu une œuvre à part, inspirant de nombreux artistes. On ne compte plus le nombre d'adaptation qui en ont été faite, depuis cette première, réalisé par Rupert Julian, jusqu'à celle de Joel Schumacher en 2004, qui n'était d'ailleurs que l'adaptation d'une comédie musicale de Broadway. Entre temps quelques réalisateurs s'y étaient collés, dont Dario Argento et, dans une version moins fidèle au roman, Brian de Palma. Mais finalement aucun réalisateur français ne s'y est essayé, alors que le livre de Gaston Leroux écrit en 1910 puise largement dans l'imagerie nationale. L'histoire de cette première adaptation est riche d'anecdote, de l'animosité qui régnait sur le plateau entre Lon Chaney et Rupert Julian aux diverses versions, semi-parlantes ou colorisées qui ont successivement circulé.
De nouveaux administrateurs arrivent à l'Opéra de Paris et ils rient au nez des anciens quand ceux-ci leur parlent du Fantôme qui hante les lieux, et en particulier la loge numéro 5. La légende circule néanmoins dans tout l'établissement, et les petits rats, attirés par les propos de Monsieur Buquet, qui dit l'avoir vu, décident de visiter les sous-sols du bâtiment. Là elles voient une ombre passer et effrayées remontent en courant vers le rez-de-chaussée. Un peu plus tard, les administrateurs reçoivent une visite étrange, celle de la mère de la cantatrice Carlotta, furieuse. Elle vient de recevoir une lettre qui lui ordonne de ne pas faire jouer dans la prochaine représentation sa fille, mais de la remplacer par Christine Daae sous peine de représailles. Elle quitte le bureau outrée mais lors de la représentation c'est bien Christine qui incarne le rôle titre.
Ce qui surprend dans Le fantôme de l’opéra, c’est la force dramatique du film. Cela tient beaucoup de l’œuvre original, intemporelle, et qui tient en haleine tout du long. Le suspense est réel et la tension à son maximum quand arrivent les séquences chocs qui font avancer l’intrigue. En particulier, le rapport de l’actrice au personnage principal est assez bien développé, de façon peut-être pas assez explicative pour certains mais c’est également agréable de laisser le spectateur deviner. La référence à La belle et la bête nous revient évidemment, même si ici le manichéisme est peut-être poussé encore plus loin. Ou alors plutôt c’est le pessimisme qui règne du début à la fin : Christine Daae ne tombera jamais sous le charme de son ravisseur et l’on sait dès le début que l’issue ne peut être que tragique.
En cela Le fantôme de l’opéra demeure une œuvre follement romantique, traversée de moments de folie et pleine d’une fougue exagérée. Et cela se retrouve visuellement : le film de Rupert Julian est plein d’excès de mise en scène qui le rendent parfois peut-être trop kitsch. On retient tout de même la scène du bal masqué qui, toute effervescente qu’elle soit, nous emporte par son mouvement. Dans le rôle du fantôme, Lon Chaney impose sa carrure et trouve encore une fois ici un personnage tourmenté et parfois grotesque, dont le maquillage est particulièrement impressionnant. Les décors reproduisant l’Opéra de Paris sont également un des éléments essentiels de la narration, en particulier les sous-sols qui suggèrent et appuient le caractère lugubre des évènements qui s’y déroulent. Porté par une restauration qui semble assez fidèle à l’œuvre d’origine, le film saura régaler les amateurs de cinéma de genre comme les cinéphiles.