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La vérite (2019) Hirokazu Kore-Eda

La vérite (2019) Hirokazu Kore-Eda

Publié le 22 avr. 2021 Mis à jour le 22 avr. 2021 Culture
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La vérite (2019) Hirokazu Kore-Eda

Ma mère est une actrice

Dès le début des années 2000, Hirokazu Kore-Eda s'était attelé à l'écriture d'une pièce se déroulant durant une nuit dans la loge d'une actrice en fin de carrière. En parallèle, il rencontre Juliette Binoche qui dix ans plus tard lui propose qu'ils tournent un film ensemble. Il lui vient alors l'idée de revenir sur cette histoire, qu'il étoffe en adaptant une nouvelle de l’écrivain de science fiction Ken Liu, Souvenirs de ma mère. Le succès français, et la Palme d'Or acquise pour Une affaire de famille lui permet de concrétiser ce projet, et d'engager Caherine Deneuve pour jouer le rôle principal. Il prépare alors son premier film en dehors du Japon, alors même qu'il ne parle pas un mot de français. La vérité sera présenté comme film d'ouverture de la Mostra de Venise. Si le film ne décroche rien dans un palmarès où Joker reçoit le Lion d'or, il en sort avec un bouche-à-oreille favorable.

L'actrice Fabienne Dangeville répond, dans sa grande maison parisienne, aux questions d'un journaliste maladroit et visiblement pas très à l'aise. Elle s'en agace, se moquant ouvertement des questions qu'il lui pose et montrant ostensiblement sa lassitude. C'est là qu'arrive sa fille Lumir, qui habite aux États-Unis avec son mari Hank et sa fille Charlotte. Elle lui dit de s'installer dans son ancienne chambre, où la petite fille découvre d'anciens jouets de sa mère. Fabienne, Hank, Lumir et Jacques, le compagnon de sa mère se retrouvent dans la cuisine, et l'actrice annonce à sa fille que on autobiographie sera publiée à grande échelle. Lumir lui rappelle alors qu'elle lui avait promis de lui faire relire les épreuves, ce que Fabienne prétend avoir oublié. Le secrétaire particulier de l'actrice rectifie alors le nombre d'exemplaires du livre, inférieur à ce que Fabienne avait annoncé à sa fille.

Une sorte de bienveillante étrangeté entoure La vérité. En regardant le film, on se retrouve en terrain connu, mais avec quelques petits détails qui dénotent par rapport aux productions françaises que l'on a l'habitude de visionner. Cela tient sans doute au fait qu'Hirokazu Kore-Eda signe ici sa première production étrangère, et le fait qu'il ne maîtrisait pas la langue de ses collaborateur nous fait mieux comprendre cette impression de décalé que l'on ressent. D'ailleurs le jeu des deux actrices, en particulier celui de Juliette Binoche, semble à certains moments faux, comme si elle n'était pas vraiment dirigée. Le décor semble aussi irréel, avec cet hôtel particulier au grand jardin en plein Paris, qu'on nous dit adossé à une prison, et où s'épanouissent des arbres en fleurs que l'on pourrait croire japonais. Si l'on ajoute ces scènes de tournage d'un film de science-fiction à l'intérieur d'un drame familial à la française, la singularité de l'entreprise s'en trouve renforcée.

Une des choses les plus intéressantes de La vérité est sa  réflexion sur le cinéma. Le principe de tourner un film à l'intérieur d'un long-métrage qui a pour personnage principaux des actrices ou des scénaristes n'a certes rien de novateur, mais il est ici assez bien exploité. Cela permet au réalisateur de glisser quelques jolies références au cinéma français, que visiblement il apprécie. Les commentaires du personnage interprété par Catherine Deneuve sur les autres actrices sont tout aussi savoureuses et piquantes. Évidemment, tout ceci manque de finesse et de subtilité, comme si Hirokazu Kore-Eda avait perdu ces valeurs en arrivant dans une terre étrangère. Mais si l'on double ces thématiques avec le propos du film qu'elle tourne, et qui traite du temps qui passe, cela permet d'ajouter une couche à l'intrigue principale, celle d'une mère indigne et de sa fille qui lui en veut de ne pas s'être occupé d'elle.

Mais l'intérêt principal de La vérité reste son interprète principale. Le film ne s'en cache pas, c'est un autoportrait en creux de Catherine Deneuve. Elle se dévoile d'ailleurs sans fard, montrant une fois de plus l'étendue de son talent. Ce n'est par ailleurs pas forcément une tâche aisée, compte tenu de la thématique du vieillissement au cœur du long-métrage. L'actrice prend le sujet à bras le corps et montre de manière courageuse des failles, des absences que d'aucuns pourraient considérer comme prémonitoires au regard de l'accident vasculaire cérébral qui l'a frappé avant la sortie du film. Elle illumine le film, masquant la performance beaucoup plus en nuances de Juliette Binoche, et, à l'instar de l'absence de point de vue masculin, l'apparition un peu fantomatique d'un Ethan Hawke qu'on avait presque oublié. Si on pouvait attendre mieux du réalisateur japonais, on retrouve tout de même dans ce film en demi-teinte certaines de ses thématiques et la douceur de sa mise en scène.

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