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La chute (2004) Oliver Hirschbiegel

La chute (2004) Oliver Hirschbiegel

Publié le 3 janv. 2020 Mis à jour le 3 janv. 2020 Culture
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La chute (2004) Oliver Hirschbiegel

Comment figurer l’impossible à montrer 

C’est le producteur et scénariste Bernd Eichinger qui est à l’initiative de La chute, et qui s’inspire du roman de Joachim Fest, Les Derniers Jours d'Hitler, publié en 2002. Cet ouvrage a pour cadre La bataille de Berlin, lancée en avril 1945 par les soviétiques, du point de vue du haut-commandement des forces allemandes, rassemblé dans le Führerbunker. Pour mener à bien son projet, le producteur engage Oliver Hirschbiegel, qui a sorti peu de temps auparavant L’expérience, à propos de la controversée Expérience de Stanford. Le film aura un impact très important en Allemagne, occasionnant autant d’éloges que de reproches, et engrangeant un succès au box-office. Le succès sera également au rendez-vous à l’étranger ; le film obtient d’ailleurs une nomination à l’Oscar du meilleur film étranger, finalement décroché par un autre long-métrage européen, Mar adentro d’Alejandro Amenábar.

Une femme évoque péniblement ses remords, et tente d’expliquer combien il a été difficile pour elle de survivre après ce qu’elle a vécu durant la Seconde guerre mondiale. Il s’agit de Traudl Junge, qui fut la secrétaire particulière d’Adolf Hitler entre 1942 et 1945. On la retrouve avec d’autres jeunes femmes quand elle a 22 ans et qu’elle postule pour un poste de secrétaire pour le Führer. Hitler la fait rentrer en premier dans son bureau pour la tester, et elle ne se montre pas très efficace. Pourtant en sortant, elle annonce aux autres candidates qu’elle est engagée. Trois ans plus tard, le jour de l’anniversaire d’Adolf Hitler, une réunion de crise se tient. Les armées allemandes sont en débâcle et nombreux sont les officiers qui ne sont pas d’accord avec la stratégie de leur chef, voire même qui contredisent ses ordres. Devenue secrétaire particulière, Traudl assiste régulièrement à ses débordements de colère.

La construction de La chute est rigoureuse. Après une brève présentation des protagonistes au travers d’un témoignage d’archive puis d’un flashback, le premier tiers du film dépeint la situation confuse dans laquelle se trouve le quartier général nazi, qui empire de jour en jour. En parallèle on suit un jeune garçon tenté par les jeunesses hitlériennes et son père qui essaye de le protéger. Cette première partie se termine avec l’annonce par Adolf Hitler à ses généraux qu’il a décidé de ne plus lancer d’offensive. Ce qui était un test pour voir les réactions de ses officiers, ce dont on se rend compte durant le deuxième tiers du film qui voit les espoirs des uns et des autres se réduire de plus et plus, et qui se conclut par la décision prise par Hitler de se donner la mort avec Eva Braun. Enfin la dernière partie aborde leur suicide, puis celui du couple Goebbels, la fuite des derniers survivants et leur choix ou non de se livrer à l’ennemi.

C’est un exercice périlleux auquel se livre La chute, et le film s’en sort avec les honneurs. Rarement a-t-on vu d’aussi près un état-major d’aussi près, en particulier dans des circonstances aussi funestes. Sans compter le fait que le film évoque le nazisme, sans complaisance ni attaque frontale. Très documenté, le film s’attache à présenter des personnages principaux plongés dans l’action, et qui n’ont absolument aucun recul sur ce qu’ils accomplissent. Cela est fidèle à l’atmosphère dans l’Allemagne de l’époque, où rares étaient les personnalités qui voulaient ou pouvaient contester la philosophie politique prônée par leur dirigeant (les opposants avaient fui ou étaient supprimés). Ce que le film met en avant, c’est surtout l’impossibilité pour les collaborateurs d’Adolf Hitler de contester ses décisions militaires. Sa personnalité est ici finement décrite, à la fois son côté dictateur, sa mégalomanie et ses névroses.

C’est un des reproches que certains ont fait à La chute, qu’à force d’humaniser le personnage on risque l’empathie du spectateur. Et pourtant jamais cela n’arrive, que ce soit envers lui ou envers ses proches. Eva Braun est décrite comme une fêtarde invétérée et une écervelée, qui agit dans un déni de réalité, tandis que les époux Goebbels, superbement incarnés par Ulrich Matthes et Corinna Harfouch, apparaissent comme des parents sans cœur, obnubilés par leur soif absolue de pouvoir. Quant à Bruno Ganz, il offre ici une prestation de haute volée, qui marque les esprits. Angoissant, le film reste tendu tout du long et ne fait quasiment aucune fausse note. La réalisation d’Oliver Hirschbiegel parvient à nous tenir en haleine durant deux heures et demi, dans un espace circonscrit où les travelings nous emmènent harmonieusement dans un dédale à l’architecture pourtant confuse. On en sort rincé, conscient d’avoir vu une œuvre marquante.

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