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Élève libre (2008) Joachim Lafosse

Élève libre (2008) Joachim Lafosse

Publié le 17 mars 2023 Mis à jour le 17 mars 2023 Culture
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Élève libre (2008) Joachim Lafosse

Éducation sensuelle et irruption du trouble

Traité en filigrane dans Élève libre, le thème de la famille se retrouve bien souvent dans la filmographie de Joachim Lafosse. De substitution ici, elle se révèle aliénante dans À perdre la raison et légèrement étouffante dans Nue propriété. Il faut dire que le réalisateur belge s'est forgé une belle réputation. Habitué des festivals, beaucoup s'accordent à dire qu'il maîtrise un style bien singulier et que ses films possèdent une ambiance toute particulière. Il choisit ici de travailler avec Yannick Renier, le demi-frère de Jérémie, et d'engager sa compagne pour incarner la copine de celui-ci. Pour le rôle délicat du personnage principal, il engage un petit nouveau, Jonas Bloquet, qui se trouve être le fils de son ancien entraîneur de tennis. Depuis, on l'a retrouvé en fils d'Isabelle Huppert dans Elle ou en lieutenant de l'armée française dans Tirailleurs.

Le début

Joueur assidu de tennis, Jonas a seize ans et se trouve en échec scolaire. Ses professeurs ne veulent pas qu'il redouble une nouvelle fois et lui conseillent de se diriger vers une filière technique ou professionnelle. Il traîne souvent avec un groupe de trois amis, tous plus amis que lui, avec qui il a des conversations sur tous les sujets, y compris le sexe. Ils l'interrogent sur sa vie amoureuse, et Jonas leur répond qu'il est amoureux d'une jeune fille, Delphine, avec qui il n'a pas encore fait l'amour. Au cours d'une sortie en boîte, il se rapproche d'elle et ils ont en rentrant leur premier rapport sexuel. Quand il en parle à ses amis, ceux-ci se moquent « gentiment » de lui en apprenant que ça n'a pas duré plus de cinq minutes. En même temps ils s'accordent tous à dire que sans expérience c'est tout à fait normal.

Analyse

La tension monte progressivement dans Élève libre, qui débute par une chronique de l'adolescence pour terminer comme un drame psychologique. La mise en scène de Joachim Lafosse est à ce titre assez remarquable, tendue comme un arc et ne quittant pas son objet d'un pouce. Ainsi la caméra ne quitte-t-elle jamais le visage de ce Jonas, jeune homme un peu perdu qui demeure d'un bout à l'autre tendu vers son objectif. Le film pourrait passer au début par un simple portrait de garçon, un adolescent comme les autres mais que l'on sent dès le début instable, cependant un élément surprend dès le début, sans être non plus complètement absurde : son entourage. Car les amis de Jonas ont tous et toutes la trentaine, et les discussions qu'ils développent peu à peu avec eux sont de plus en plus originales. 

L'intrusion progressive de ce petit groupe dans l'intimité du jeune homme devient de plus en plus oppressante au fur et à mesure du déroulement du récit, alors que leurs intentions restent sur le papier amicales. C'est là qu'Élève libre déploie toute sa subtilité : le film interroge les frontières de l'amitié et de la nuisance affective, de l'initiation fructueuse et de l'influence néfaste. Les intentions des adultes ne leur semblent, sur le papier, pas répréhensibles, ils tentent de mettre en pratique les principes d'éducation hérités de la Grèce antique. Saluons les performances des interprètes, qui, de Jonathan Zaccaï à Yannick Renier en passant par la belge Claire Bodson, donnent chair à des personnages pas toujours aimables. Les jeunes ne sont pas moins épatant, Jonas Bloquet et Pauline Étienne formant un couple que l'on prend d'emblée en affection.

Seulement ces jeunes adultes ne se rendent pas forcément compte immédiatement de la fragilité psychologique dans laquelle se trouve l'objet de leur expérimentation. Le Jonas d'Élève libre se retrouve en effet seul, ses parents sont absents et ses échecs scolaires et sportifs le pèsent terriblement. Il est à un âge où il se cherche et où il a à la fois besoin de questionner la figure de l'adulte tout en ayant besoin d'un cadre. La famille de substitution qu'il se trouve devient alors petit à petit à la fois étouffante et salvatrice, le tout est de savoir jusqu'à quel point elle tendra vers l'un ou l'autre de ces pôles. Sans compter l'expérimentation de la sexualité, et de la sensualité, à un âge où les repères ne sont pas encore formés et où, si l'on a envie d'expérimenter, on peut vite se perdre dans des désirs que l'on ne sait pas souvent maîtriser.

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