Dogma (1999) Kevin Smith
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Dogma (1999) Kevin Smith
Du rififi chez les séraphins
Quand en 1994 débarque Kevin Smith sur la scène du cinéma indépendant américain, il fait tout de suite parler de lui. Avec très peu de moyens, Clerks réussissait à imposer un ton nouveau, frais et décalé, qui laissait présager une belle carrière au réalisateur. C’est dans le même View Askewniverse, un univers de fiction créé par le réalisateur, que gravitaient les personnages de ses films suivant, Ainsi Les glandeurs et Méprise multiple étaient un peu dans la même veine que son premier film, mais déjà un ton en dessous. Avec son quatrième film, Kevin Smith a tenté de concilier sa foi catholique et le mauvais goût qui a fait sa patte. Ce qui a donné un mélange assez surprenant : Dogma est un film inclassable qui se perd un peu dans son propos.
Loki et Bartleby sont deux anges qui, punis pour s’être rebellés contre la toute puissance divine, se sont vu supprimer leurs attributs et contraints d’errer sur Terre jusqu’à la fin des temps. Profitant de ce qu’ils pensent être une brèche dans le plan divin, leur permettant de laver leurs péchés, ils se rendent dans le New Jersey pour tenter d’échapper à leur condition et revenir au Paradis. Mais Dieu s’avise de contrecarrer leurs plans par l’intermédiaire de son messager Metatron. Celui-ci entre en contact avec Bethany, une jeune femme censée sauver l’humanité en péril si nos deux anges déchus réussissent leur mission. Elle sera accompagnée de Jay et Silent Bob, deux prophètes obsédés, ainsi que Rufus, qui prétend être le treizième apôtre, et Sérendipité, une ancienne muse devenue strip-teaseuse.
C’est un peu là où le bât blesse : le scénario de Dogma est franchement indigeste. Il n’y a pas grand-chose à garder de ce fourre-tout où l’on peut croiser toutes sortes de créatures divines dans des situations rocambolesques et hautement improbables. Et Kevin Smith d’y ajouter des dialogues sur la religion franchement inintéressante, qui plombent le film sans apporter quoi que ce soit de pertinent. Essayant de ménager la chèvre et le chou, le réalisateur ne sait visiblement pas sur quel pied danser et le spectateur assiste un peu mollement à ces atermoiements. On ne va nulle part, ce qui n’est pas un problème pour un film comme Clerks, basé sur ses personnages et sur le comique de situation, mais qui ici fait pschitt.
Pourtant Dogma n’est pas exempt de bonnes répliques et de scènes amusantes, dont a le secret Kevin Smith dans la plupart de ses longs-métrages. En fait l’intérêt majeur du film réside dans deux de ses personnages secondaires, les impayables Jay et Silent Bob. Les familiers de l’univers du réalisateur connaissent forcément ces personnages récurrents qui ont même eu droit, quelques années plus tard, à leur long-métrage, Jay & Bob contre-attaquent. Ils forment un duo de losers patentés composé d’un obsédé sexuel un peu lourd sur les bords, incarné par le reconnaissable Jason Mewes, et de son acolyte, le silencieux mais non moins efficace Bob, qui a les traits de Kevin Smith himself, qui s’en donne à cœur joie.
Bref, ces deux larrons sont irrésistibles et nous offrent à chaque fois qu’ils sont à l’écran un show digne de leur réputation. Sinon le reste des blagues scatophiles qui émaillent le film ne sont franchement pas du meilleur goût, elles sont lourdes et même pas drôles, et les acteurs sont sans surprises. Matt Damon et Linda Fiorentino s’en sortent plutôt bien sans non plus faire d’étincelles, tandis que Ben Affleck n’est décidément pas un bon acteur, et ça se voit ici cruellement. Dogma s’avère donc un film improbable qui mêle un peu tout et n’importe quoi sans réussir à réellement convaincre. Kevin Smith a bel et bien perdu de son originalité en prenant de la bouteille, et tentera par la suite de surfer sur son univers, sans vraiment retrouver sa verve originelle.