Urga (1991) Nikita Mikhalkov
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Urga (1991) Nikita Mikhalkov
Là tout n’est qu’ordre et beauté
Après Les yeux noirs, qui assit sa notoriété, Nikita Mikhalkov décrocha le Lion d’or au Festival de Venise avec ce bien beau Urga. L’histoire d’une amitié qui se lie contre toute attente entre un paysan mongol et un russe de la ville. Ou la confrontation de deux mondes que tout oppose, une vision d’humanité dans un pays oublié de tous. Composé d’acteurs non professionnels mis à part Vladimir Gostyukhin, le film peut être vu comme une douce méditation sur le rapport de l’homme à la nature, ou même comme un quasi-documentaire sur le peuple mongol. Depuis, le réalisateur qui jusqu'alors pouvait être considéré comme indépendant s'est radicalisé, et est désormais proche du pouvoir russe.
Le début
Un ouvrier russe, Sergueï, se retrouve en panne en Mongolie-Intérieure avec son camion, en plein milieu de la steppe. Il est alors accueilli par des paysans dans leur yourte. Le chef de famille, Gombo, est un éleveur nomade mongol qui vit avec son épouse Pagma, leurs trois enfants et la grand-mère. Ils vivent de façon harmonieuse avec la nature environnante et se voient confrontés avec la culture citadine de cet employé, radicalement différente de leur quotidien. Un jour, ne voulant pas tomber enceinte, et risquer une peine pour contrevenir à la politique chinoise de limitation des naissances, Pagma demande à Gombo d'aller dans la ville de Hulunbuir afin d'acheter des préservatifs.
Analyse
La qualité des images et l’humour des situations donnent à Urga une dimension supérieure à la simple description d'un milieu rural. Car le but de Nikita Mikhalkov est bel et bien ici de nous raconter une histoire peu banale dans un paysage inhabituel, qui ouvre les perspectives de son spectateur. Son long-métrage tient son nom d’une longue perche qui sert à Gombo, ce paysan mongol qui vit en terre chinoise, à chasser pour subvenir aux besoins de sa famille. La composition toute naturelle de cet étonnant Bayaertu nous fait éprouver d’emblée de la sympathie pour ce personnage qui peut nous paraître un peu rustre sous prétexte qu’il vit en dehors de toute civilisation.
C’est par l’intermédiaire de son épouse, la belle Badema, qui vient de la ville, que le personnage principal d'Urga va avoir son premier rapport avec cette civilisation tant redoutée. Ainsi il part avec son nouvel ami Sergei, lui aussi étranger puisque russe dans un territoire chinois, pour faire des courses dans la ville. Une succession de scènes drolatiques narre alors les diverses péripéties que va rencontrer ce Candide des temps modernes dans un univers a fortiori hostile, puisqu’il ne le connaît pas et qu’il a du mal à le comprendre, le barrage de la langue n’arrangeant pas les choses. Le décalage avec l'œil du spectateur citadin, occidental de surcroît, ne fait qu'amplifier l'humour tout en finesse du film.
Des jolies séquences d’émotion baignent aussi Urga, sans oublier ces superbes images qui lui confèrent un sentiment d'éternelle beauté qui n'est sans doute pas pour déplaire à son metteur en scène. Nikita Mikhalkov brode ainsi un bel hymne à la nature, certes classique et un brin désuète, et une réflexion parfois amère sur les ravages de l’industrialisation, mais aussi ses bienfaits, le film se gardant bien d’être une diatribe manichéenne. Baigné par une très belle bande originale, composée par Edouard Artemiev, qui a aussi travaillé avec Andreï Tarkovski, Urga est de ces œuvres qui vous ouvrent l’esprit en ravissant vos yeux. Rien de révolutionnaire, et un brin passéiste, mais résolument esthétiquement réussi.