Teddy (2021) Ludovic et Zoran Boukherma
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Teddy (2021) Ludovic et Zoran Boukherma
Loup, y es-tu ?
Un vent de renouveau souffle sur le cinéma français, et cela passe en particulier par le film de genre, que de nombreux jeunes réalisateurs décident de revisiter. Au début de l’année 2020 sortait La dernière vie de Simon, où le fils de Sam Karmann piochait ses inspirations du côté de Steven Spielberg. Au mois de juin 2021, deux autres films français de science-fiction, conçus par de, relativement, jeunes réalisateurs, arrivent sur les écrans : La nuée, de Just Philippot, et Teddy, de Ludovic et Zoran Boukherma. Ces derniers sont des frères jumeaux ayant grandi dans le Lot-et-Garonne, et fait leur gamme à la Cité du Cinéma. Après un long-métrage, Willy 1er, co-réalisé avec deux autres membres de l’école fondée par Luc Besson, et sélectionné à l'Acid du Festival de Cannes, ils bénéficient du Label Cannes 2020 avec Teddy. Ce film de loup-garou lorgne à la fois du côté du Wolf, de Mike Nichols, et de Carrie au bal du diable, de Brian De Palma : on a vu pires références.
Dans un village du Sud-Ouest, une vieille femme mange devant la télévision quand les plombs sautent dans sa maison. Sortant pour régler la situation, elle entend un bruit suspect et se fait violemment attaquer. Le lendemain matin, une commémoration est donnée en l'honneur des morts de la Seconde Guerre mondiale. Un jeune homme est prié de chanter la Marseillaise et Teddy ne peut s'empêcher de rire devant tant de fausses notes. Quand il entend le nom des hommes que l'on célèbre, il s'insurge car celui de son aïeul est mal orthographié. Voulant éviter tout esclandre, l'officier l'écarte et le jeune homme se rend chez sa petite amie, Rebecca. Le voyant arriver, le père de l’adolescente lui dit qu'il n'est pas le bienvenu car elle révise son bac. Teddy monte quand même dans sa chambre et ils font l'amour sous la douche. Il lui demande après si elle a eu un orgasme, et quand il lui dit qu’il a joui pour lui faire plaisir, elle lui répond que ce n’est pas une obligation.
Un des avantages des films de genre, c’est qu’un spectateur habitué de l’exercice s’y sent vite familier. Dès le début de Teddy, l’ambiance est posée : nous trouvons un personnage isolé qui prend un risque et en paie les conséquences, le tout accompagné d’une musique angoissante et d’une caméra positionnée au bon endroit, au bon moment. Contrairement à de nombreux réalisateurs de films d’horreur Ludovic et Zoran Boukherma n’abusent pas d’effets stylistiques lourds ni d’accessoires superfétatoires, tels l’hémoglobine ou le gore. Quelques plans bien sentis, mettant l’accent sur des parties du corps ou des gestes malaisants suffisent à nous mettre dans un inconfort certain. Le teen movie est tout aussi bien exploité, le film ne sombrant pas dans les niaiseries adolescentes trop souvent éculées, mais parvenant à mettre en scènes une jeunesse de province sans caricature ni mépris. On sent que les influences des frères Boukherma ont été bien digérées.
Qui dit film de genre dit souvent revendications politiques ou sociales, et Teddy ne déroge pas à la règle. Ludovic et Zoran Boukherma campent leur personnage principal dans une classe défavorisée. On ne sait pas ce que sont devenus ses parents, tout au plus apprend-on qu’il vit avec un oncle et une tante éloignés. Le premier est un simple d’esprit, que les réalisateurs ne regardent jamais de haut et qu’ils mettent plutôt en scène comme l’un des personnages clés de l’intrigue. La tante, quant à elle, est impotente et l’on comprend que s’occuper d’elle a fait mûrir Teddy très tôt. C’est d’ailleurs le pendant d’une immaturité affective patente : le jeune homme, déscolarisé, n’a que peu de relations avec les adolescents de son âge, qui le harcèlent régulièrement. Une des scènes du film montre très bien cette opposition, où son désir de créer du lien est rapidement déçu, ce qui va accélérer, en plus d’une déconvenue avec son amoureuse, sa transformation.
Car comme de bien entendu Teddy présente un monstre gentil. Le caractère monstrueux du personnage n’intervient que progressivement, suite à une morsure qui intervient hors champ, comme la plupart des éléments fantastiques du film. Ainsi nous ne verrons quasiment jamais la bête, ni les méfaits qu’elle occasionne, nous ne ferons que constater petit à petit les stigmates physiques de la transition du jeune homme. Ce ne sont d’ailleurs pas des éléments traditionnels : par exemple les premiers poils suspects apparaissent sur la langue, et non sur le dos comme on pourrait naïvement le supposer. Puis c’est dans un contexte bien déterminé, un harcèlement au travail opéré par une Noémie Lvovsky en grande forme, que la première agression a lieu. On peut signaler un casting de qualité, composé principalement de jeunes talents, dont Anthony Bajon, qui avait été révélé au grand public par son rôle dans La prière, de Cédric Kahn. Sinon le final est bien entendu jubilatoire, et les amateurs seront servis.