L’origine du mal (2022) Sébastien Marnier
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L’origine du mal (2022) Sébastien Marnier
Le conte improbable de la famille dysfonctionnelle
Après des études de cinéma, Sébastien Marnier a réalisé quelques court-métrages, puis a écrit trois romans, et a préparé avec Marianne James son spectacle Miss Carpenter. Son premier long-métrage, Irréprochable, un thriller avec Marina Foïs, permet à l’actrice d’être nommée aux Césars. Il enchaîne avec L'Heure de la sortie, une adaptation libre du roman de Christophe Dufossé, avant de s’atteler à l’écriture du scénario de L’origine du mal. Comme souvent, il part, pour l’idée originelle, d’une anecdote familiale, en l’occurrence le fait que sa mère a retrouvé sur la tard son père, d’une classe sociale différente de la leur. La suite est beaucoup plus fictionnelle mais permet au réalisateur de développer des personnages excentriques à partir de traits d’identité qu’il a pu observer de-ci de-là. Pour son casting, Sébastien Marnier s’appuie sur une brochette d’interprètes divers, entre vétérans (Jacques Weber ou Dominique Blanc) et têtes d’affiches connues (Laure Calamy ou Doria Tillier) ou montantes, telle Céleste Brunnquell.
Le début
Ouvrière dans une conserverie de poissons, Stéphane va en prison visiter une détenue, qui ne se présente pas au rendez-vous, une fois de plus. Elle est logée chez une femme qui lui annonce que sa fille, qu’elle déteste, va bientôt revenir, et qu’elle devra déménager. Elle se décide alors à téléphoner à Serge Dumontet, son père, qu’elle n’a jamais rencontré. Elle va alors le voir dans l’île de Porquerolles, où il possède plusieurs établissements et une luxueuse villa. Il ne semble pas en grande forme physique, et, quand Stéphane lui évoque une amie de sa mère, par laquelle elle a retrouvé ses contacts, il n’a pas l’air de se souvenir d’elle. Il l’invite à déjeuner dans sa demeure, sous le regard suspicieux de la gouvernante, Agnès. Dans cette maison immense pleine d’objets, elle est accueillie par Louise, l’épouse de Serge, une femme haute en couleurs qui lui présente Jeanne, la petite-fille de Serge, l’enfant de leur fille George, qui arrive bientôt pour déjeuner avec eux.
Analyse
Au début de L’origine du mal, le spectateur est dans l’inconnu. Sébastien Marnier s’attache à ne pas donner de clé narrative, ce qui fait que l’on entre dans le récit à pas feutrés. Les seules indications qui nous sont données sont quasiment sociologiques : l’héroïne du film vient d’un milieu modeste, et elle va débarquer dans un univers luxueux, sans transition. C’est un contexte très codé, où l’on comprend très rapidement que les enjeux de classe vont être proéminents. Visuellement, tout est marqué, surchargé, des endroits dans lesquels évoluent Stéphane, que ce soient l’usine ou la prison, à ceux qu’elle va peu à peu intégrer, en premier lieu cette demeure baroque pleine d’objets. L’intention est claire, pas vraiment subtile, on se positionne dans des codes usités traditionnellement dans le film de genre. Les personnages sont tout aussi caricaturaux, ils ne manquent pas de piquants et l’on sent que derrière la patine de nombreux sentiments sont en jeu.
Puis, au bout d’une heure, le scénario de L’origine du mal bascule. Une révélation nous est présentée, sans que cela ne soit une énorme surprise, soit dit en passant, et le thriller psychologique peut se déployer. Le spectateur est alors amené à changer son regard, et tous les éléments du film deviennent matière à intrigue. On est sur le qui-vive, et la mécanique de l’intrigue se déploie, voire s’enraye, en particulier à la fin du long-métrage. Car à force de multiplier les enchaînements improbables et de susciter une soi-disant surprise, le film ne parvient pas à nous emporter, faute de profondeur. C’est le risque du film de genre, qui, à force de trop typer ses personnages, ne réussit pas à leur donner une forme, si ce n’est réaliste, tout du moins probable. Au final, on les regarde se démener avec leurs affects, et on se fiche un peu de ce qui va leur arriver. La résolution, qui se veut paroxystique, devient du grand-guignol, et les dernières scènes nous font venir, au mieux, un sourire.
C’est dommage car, sur le papier, L’origine du mal a de nombreux atouts, en premier lieu sa distribution. Le film prend le parti de n’avoir pour personnages principales quasiment que des femmes, à l’exception du patriarche, incarné de façon à la fois bonhomme et hiératique par la magnifique Jacques Weber. Dans le rôle de son épouse, l’excellente Dominique Blanc en fait des tonnes mais c’est son rôle qui le demande, et d’ailleurs elle le fait très bien, même si on ne croit pas une minute à son personnage. Dans le rôle principal, l’incontournable Laure Calamy livre une très bonne performance d’actrice, dans les codes du film de genre. On se retrouve ainsi dans un petit théâtre de marionnettes, où le metteur en scène amène ses pions où il veut, mais ça manque un peu d’incarnation. La mise en scène est référencée, avec ses split-screen à foison, la direction artistique est de qualité et l’on ne s’ennuie pas vraiment durant les deux heures d’un film aux codes très prononcés.