eXistenZ (1999) David Cronenberg
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eXistenZ (1999) David Cronenberg
Quand le réel dépasse le virtuel (ou bien c’est l’inverse)
En 1982, David Cronenberg montrait avec brio dans Videodrome comment les nouveaux supports audiovisuels nous aliénaient petit à petit et concluait son film avec la célèbre réplique : « Longue vie à la Nouvelle Chair ! ». Dix-sept ans plus tard, force est de constater que cette Nouvelle Chair s’est développée au-delà de ce que l’on ne pouvait imaginer quand Cronenberg réalise eXistenZ, que l’on pourrait qualifier de mise à jour de son œuvre. Le support a évolué, la télévision s'est faite remplacer par les jeux vidéos et autres divertissements numériques mais la toute-puissance du virtuel est toujours aussi prégnante. Notons qu’en cette fin de décennie des années 1990, Facebook n’a pas encore été fondé, et les réseaux sociaux en sont à leurs balbutiements.
Dans une église se retrouvent quelques fanatiques de jeux virtuels excités à l’idée d’essayer le nouveau bijou de la créatrice Allegra Geller, un jeu basé sur une expérience qui colle au plus proche de la réalité. Soudain, un manique tente d’assassiner Allegra :elle est visée par un groupe de fanatiques de la réalité, les « Réalistes », opposés à la « technologisation » de l'être humain. Tandis qu’ils lui envoient une balle provenant d'un pistolet en os, Ted Pikul, commercial de chez Antenna Research, fuit avec elle en la protégeant. Allegra souhaite tester son jeu afin de vérifier qu’il n'a pas été altéré et demande à Ted de se fasse poser un bioport, à l’aide d’un trou en bas du dos pour l’alimenter avec le flux vital : le métabolisme de la personne ainsi raccordée produit l'énergie.
Alors que trois ans auparavant David Cronenberg choquait la critique bien-pensante avec son Crash, il revient avec eXistenZ à un univers fantastique dont il est familier. En regardant le film, et même en regardant toute la filmographie de Cronenberg, on est en droit de se demander si le réalisateur canadien ne serait pas un peu vicieux sur les bords. Il y avait déjà l’obsession du producteur de télévision pour les œuvres à caractère pornographique dans Videodrome. Et là, comment ne pas voir dans l’imagerie d’eXistenZ des métaphores sexuelles à foison ? L’exemple le plus frappant étant un nouvel orifice greffé pour pouvoir se connecter à l’aide d’un tuyau à un pod hyper-sensible. D’ailleurs les parties de jeu vidéo entre les deux protagonistes sont clairement une allégorie de l’acte sexuel.
ici encore les obsessions autour des mutilations et autres protubérances font mouche (les amateurs de jeux de mots cinéphiles apprécieront). Agrémentant eXistenZ de fines touches gores et autres petites bizarreries tout aussi enthousiasmantes, David Cronenberg développe avant tout un propos hautement intéressant enveloppé dans un scénario assez bien emballé. Les différents niveaux de la réalité s’entremêlent de façon remarquable, on ne sait plus trop qui des personnages ou des spectateurs est le plus dupe dans l’histoire. Profitant de son statut de démiurge omnipotent, Cronenberg nous concocte des personnages de chair qui s’inventent des histoires fabuleuses dans une autre réalité (mais en est-on si sûr ?).
Il est aidé en cela par un duo d’acteurs de choc en la présence de Jennifer Jason Leigh, troublante et séductrice, et de Jude Law, un peu moins convaincant en jeune naïf mais toujours aussi sexy. Alors certes le propos tend un peu à tourner en boucle, et la relative courte durée du film le sert finalement. eXistenZ demeure cependant un objet fascinant et repoussant à la fois, qui arrive d’une manière assez pertinente à rendre compte de l’état de dépendance que peuvent provoquer l’abus du virtuel, qui tend à prendre une place de plus en plus importante dans nos vies quotidiennes. Du reste, la métaphore du parasite greffé sur son corps est permanente Sur ce, en attendant le fameux monde merveilleux du Metaverse, le film nous enjoint à éteindre nos ordinateurs et à reprendre nos vies en main.