Par jalousie...
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Par jalousie...
Je marchais dans cette jungle depuis des heures. Je ne me risquais pas à me retourner, pas même pour m'assurer que je les avais bien semés. Que personne ne me suivait à travers ce chaos de végétation qui, jadis, avait été mon terrain de jeu favori.
Bordel, je n'avais rien vu venir ! Mon père me répétait constamment de garder mes amis près de moi et mes ennemis encore plus proches. Aujourd'hui, je comprenais enfin le sens de ses mots. En aucun cas je n'aurais pensé être trahi par l'un de mes meilleurs amis. Par l'un de mes frères. Nous avions grandi ensemble. Nous avions fait les quatre cents coups, nous protégeant mutuellement. Le couteau qu'il m'avait planté dans le dos plutôt me faisait cruellement souffrir. J'avais bien cru ne pas m'en remettre, mais je n'avais pas le choix. Je le devais à Lilou. Je le devais à mon ange.
En y réfléchissant, il y avait des signes. Des regards envieux. Des sourires crispés. Des paroles acerbes. Mais je m'étais résigné à ne pas m'y attarder. Je me refusais d'y croire. Pas lui. Pas Carl !
- Putain !
Mon poing vint s'écraser sur le tronc devant moi. J'étais à bout de souffle. Mon corps hurlait de rage et de fatigue. Le monstre en moi se réveillait. Le monstre en moi réclamait vengeance. Cette noirceur que j'avais toujours enfermée au plus profond de mon être prenait le contrôle de mon esprit. Dans peu de temps, le démon qui m'habite surgira et toute personne qui se mettra en travers de mon chemin périra de mes mains. Rien ne pourra plus m'arrêter.
Les ruines d'une ancienne forteresse se révélèrent enfin à moi. À première vue, il ne s'agissait que de vieilles pierres dans un écrin de verdure et d'eau scintillante. Mais dans les faits, il s'agissait d'une de mes planques les plus high-tech. Un héritage familial que nul autre que moi ne connaissait. Pas même Carl. Une chance pour moi !
Dissimulé derrière un pavé, un lecteur d'empreintes me permettait d'y accéder. Les escaliers s'ouvrirent sur une pièce immaculée. Je m'y enfonçais sans aucune hésitation, laissant la structure se refermer derrière moi. Sous ce petit coin de paradis se trouvait une salle de surveillance, une armoire d'armes et de munitions, une chambre somptueuse et sa salle de bain, et un dédale de tunnels me permettant de revenir dans ma demeure et d'en reprendre le contrôle.
Je pris quelques minutes pour analyser la situation. Sur les écrans, les images des caméras de surveillance défilaient. Je découvris mes parents, inconscients et ligotés sur leur lit. Bon nombre de mes hommes les plus fidèles étaient soit étendu sans vie sur le sol, soit enfermé dans les cellules du sous-sol. Et ma douce Lilou... en compagnie de Carl. Les larmes inondaient son merveilleux visage. Recroquevillée sur le canapé de mon bureau, elle s'évertuait à comprendre ce qu'il se passait dans la tête de mon meilleur ami. De celui qu'elle considérait comme un frère. De celui qui, jadis l'avait protégé et réconforté.
Assis dans mon fauteuil en cuir, les poings serrés, je pouvais entendre chacun de ses sanglots et sa confusion qui me tuait. Elle avait peur, pourtant elle exigeait des réponses. Des explications à toute cette folie.
Un rire dément raisonna. Il se rapprocha d'elle et s'assit sur le sofa, bloquant le corps de ma belle Lilou avec le sien. S'il la touchait, je m'assurerais de lui arracher les doigts un par un. Lilou eut un réflexe de recul, mais Carl l'empêcha de s'éloigner.
- Ma douce... tu n'as pas à avoir peur de moi. Je ne te ferais jamais de mal, tu le sais.
- Vraiment ? Alors pourquoi ne pas me détacher ? Mes poignets me font souffrir.
- C'est pour ta propre sécurité. Je ne voudrais pas être obligée de te blesser...
Carl rit à nouveau avant de se pencher sur Lilou et de lui attraper le menton. Face à ce geste, tout mon être se crispa et la colère me consuma. Je ne pouvais pas rester ici plus longtemps. Je devais reprendre le contrôle de la situation. Je devais protéger ma Lilou, comme je lui avais promis.
- Pourquoi fallait-il que tu l'aimes lui ?
Les yeux de Lilou s'écarquillèrent. Avait-il fait tout ça par pure jalousie ? Non, c'était impossible. Carl nous avait présentés. Il m'avait dit la considérer comme sa petite sœur. Et en bon frère, il avait été réticent de la laisser m'approcher. De la laisser m'aimer. Il m'avait menacé à plusieurs reprises. Toujours sur le ton de la plaisanterie. M'interdisant de lui faire du mal. De lui briser le cœur.
Il me connaissait. Il savait que j'étais une coquille vide. Un monstre sans émotion depuis la mort de Julie, la princesse de la famille. Ma cadette de 10 ans. La dernière d'une longue fratrie dont j'étais l'aîné. Je n'avais pas su la protéger. Elle avait rendu son dernier souffle dans mes bras. Battue à mort et violée par l'un des ennemis de mon père et ses hommes. J'étais arrivé trop tard. Nous étions arrivés trop tard. Carl était avec moi ce jour-là. Nous avions fait un véritable carnage avant de pouvoir atteindre la chambre dans laquelle ma sœur avait été faite prisonnière...
- Pourquoi ne peux-tu pas m'aimer comme tu l'aimes lui ?
La voix de Carl me ramena à la réalité. Il était penché sur Lilou, tenant son visage pour qu'elle le regarde dans les yeux. Un sourire démoniaque figé sur ses lèvres.
- Parce que tu es comme un frère pour moi. Il n'a jamais été question de plus entre nous.
- Tu entends Jax ! Tu es fier de toi ! Tu me l'as enlevée ! Jamais je n'aurai dû te la présenter. Dès que tu as posé les yeux sur elle, j'ai su. J'ai su que je devrais t'éliminer pour la récupérer !
Carl gifla violemment Lilou et se releva pour faire face à la caméra cachée dans mon bureau. Il savait que je les observais. Il savait que j'étais toujours en vie et que bientôt, je viendrais l'éliminer.
Texte de L.S.Martins (30 minutes chrono, sans relecture).
Image par Alan Frijns de Pixabay