Anonyme à jamais
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Anonyme à jamais
Voilà tout ce qu’il reste de mon histoire : un champ de ruines sous un ciel étoilé. Personne ne parlera jamais plus de moi. Personne ne me pleurera. J’ai consacré ma vie à ma carrière. Politicien convaincu, acharné, je me suis isolé. Isolé de tous ceux qui aujourd’hui pourrait compter ma vie. Isolé du bonheur qu’une famille aurait pu m’apporter. Ai-je des remords ? Peut-être, oui. Ou serait-ce des regrets ? Comment savoir ?
Assis sur les marches de ce qui fut mon unique demeure, je scrute les cieux à la recherche de réponses. En grand philosophe, je me demande ce qu’aurait bien pu être mon existence si je n’avais pas choisi de tous les ignorer. Si je n’étais pas parti loin de ma famille pour découvrir le monde. Peut-être aurais-je fini par épouser la belle Eloïse. Elle m’aurait donné de magnifiques enfants, pour le plus grand bonheur de mes parents. Mais je me serais perdu. Jamais je n’aurais pu supporter la monotonie d’une telle vie. Jamais je n’aurais pu passer mes journées à labourer la terre et élever des bêtes tout en espérant gagner suffisamment pour nourrir ma famille. Je serais devenu fou, j’en ai la conviction.
Pourtant, se coucher auprès de son épouse chaque soir doit être un sentiment bien agréable. Se réveiller auprès de celle qu’on aime chaque matin doit être un moment de pur bonheur. J’ai connu bien des femmes, mais elles n’étaient rien de plus que l’histoire d’une nuit. Elles ne restaient jamais jusqu’au lever du jour. Je n’avais aucune envie de supporter leur compagnie au petit-déjeuner. Toutes ces niaiseries de conventions…, une véritable torture !
Je me suis bâti, pierre par pierre, un avenir glorieux. J’ai gravi les marches, une à une. J’ai réussi à me faire une place parmi les plus grands. Mais tout ceci n’a aucune importance, aujourd’hui. L’histoire ne parle pas de moi : un homme sans disciple est insignifiant. Toutes mes actions resteront à jamais anonymes, ou pire, attribuées à d’autres que moi.
Voilà 2000 ans que j’erre sur cette terre. Mon passé est un véritable champ de ruines sur lequel la nature a repris ses droits depuis longtemps. Personne ne se souvient de mon nom, pas même moi. Je suis une âme solitaire, une coquille vide, qui rêve de conquêtes et d’aventures en contemplant le firmament.
Texte de L. S. Martins (20 minutes chrono, sans relecture).
D'après Image par Enrique Meseguer de Pixabay : Ruines Portail Les Plantes - Photo gratuite sur Pixabay