Un message fort
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Un message fort
- Quelle drôle d’idée d’utiliser cette photo pour inciter les femmes à devenir pilote. Elle aurait plus sa place dans l’un de ces calendriers pour gros balourds machos en manque de sexe… La fille est jolie, je ne dis pas, mais personne ne fait des figures acrobatiques sur un dirigeable en plein vol ! Alors à part donner des putains de complexes à toutes les nanas du coin, je ne suis pas certain que ce soit une bonne idée.
- Tu fais chier. Tu n’es jamais content. Elle est parfaite cette image. Regarde comme elle semble heureuse.
L’attitude de ces jeunes idiots, soldats réformés pour une raison obscure, me déprimait. La guerre faisait rage dans tout le pays. Nous avions besoin des femmes. Qu’elles se réinvestissent dans le monde industriel et militaire. Qu’elles en reprennent les rênes et remplacent les vieux décrépis comme moi. Et pour cela, nous devions leur adresser un message fort. Un véritable message, pas une caricature de pub des années 2000. J’étais entouré de bons à rien tout juste sortis d’une école à la con. Il ne restait plus que ça, de toute façon. Des établissements qui exigeaient une fortune pour un diplôme sans aucune valeur. Les bases survolées. Les notions incomprises. Les compétences non acquises. Et tout ceci est notre faute, à nous les vieux.
Nous avons laissé faire. Nous avons observé docilement notre système s’effondrer, d’abord la santé, puis l’éducation et enfin judiciaire. Nous avons réagi trop tard, la démocratie – si celle-ci a existé un jour – avait disparu laissant place à un régime totalitaire. Nous avions les mains liées et les bouches muselées. Et toute rébellion était dangereuse, passible de la peine de mort. Il était beau le pays des droits de l’Homme, tient !
Aujourd’hui, le pays est à sang. Alors que d’autres nations avaient décidé d’entrer en guerre et de nous rayer de la carte, le peuple, lui, s’était enfin réveillé bien déterminé à renverser ce gouvernement oppressif. Les vieux, comme moi, avaient pris les devants. Nous n’avions plus rien à perdre. Juste quelques années à sacrifier au nom de la liberté de nos enfants. Nous pouvions bien leur offrir ça…, je le leur devais, moi qui avais connu le monde d’avant.
La résistance des retraités. C’es ainsi que beaucoup nommaient notre groupe. Ceux qui ne croyaient pas en notre combat. Ces petits chefs qui se remplissaient les poches sur le dos des autres, gonflant leur ego par la même occasion. Des collabos, voilà comment on les aurait appelés fut un temps. Aujourd’hui, ils se cachaient sous le nom de patrons, ministres, députés… et je devais travailler avec leur descendance. Leurs putains de progéniture. Pour n’éveiller aucun soupçon. Pour que personne ne découvre mon rôle dans ce combat.
- Tu avais quoi en tête, l’ancêtre ? Rien de trop subtil. Il ne faut pas oublier qu’on s’adresse à des femmes…
Les trois gamins explosèrent de rire. Ils avaient hérité de la bêtise de leur père. Sexiste et misogyne… Si on les écoutait, les femmes ne devraient pas sortir de la maison. Juste bonnes à faire à manger et à écarter les jambes…
- Attends, laisse-moi deviner. Genre une femme banale dans un uniforme de pilote avec le message « Engagez-vous ! » ? J’ai tout bon ?
- Pourquoi pas ! C’est un bon début. Si nous voulons l’aide des femmes, nous ne devons pas les vexer.
- Pourquoi nous voulons leur aide, déjà ?
S’en était de trop. Je ne pouvais plus supporter leur air condescendant. Je devais sortir avant de leur flanquer mon poing dans la figure. Alors, avant de claquer la porte derrière moi, je leur balançai simplement :
- Parce que les hommes sont censés être sur le front, bande de petits cons !
Texte de L.S. Martins (25 minutes chrono, sans relecture).
D'après Image par Mark Frost de Pixabay : Fantaisie Steampunk Fille - Image gratuite sur Pixabay.