Un coin de paradis
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Un coin de paradis
La vision du corps décapité de Jack me hantait. C’était du délire… et c’était plus ou moins ma faute. Si je n’avais pas remarqué ces ombres au loin, nous serions passés tout droit. Et à cette heure-ci, nous serions sans doute déjà arrivés à destination. Sain et sauf.
Au lieu de cela, j’avais pris la fuite au beau milieu du désert sans savoir où j’allais. Je n’avais qu’une envie : mettre le plus de distance entre ces créatures et moi. J’avais roulé comme une folle, pendant des heures, sur ce terrain complétement défoncé jusqu’à ce que l’essieu avant de cette vieille bagnole ne lâche. Quelle galère !
J’étais paumée. Seule et morte de faim. Je n’avais jamais eu le sens de l’orientation. Et je n’en avais pas besoin, c’était Jack le pilote. Pas moi. Mon boulot, c’était de protéger ses arrières et m’assurer que cette vieille mécanique tienne le coup. Aucun moteur ne me résistait, par contre, je n’étais pas fichue d’utiliser une boussole.
Mais cette fois, je ne pouvais pas faire de miracle. Je ne disposais pas des outils nécessaires ni même la force à moi toute seule pour redresser l’axe et réparer la jante droite qui avait bien morflée. Ma seule chance de survie, c’était de rassembler mes affaires et de continuer à pied. Pour ça, je devais impérativement me faire discrète et être attentive. En suivant toujours la même direction sans m’arrêter, priant pour que le sort me soit favorable.
Jack était mort. Et je n’allais pas tarder à le rejoindre. Ce n’était qu’une question d’heures… Personne n’en saurait jamais rien. Nos noms seront gravés sur le mur des disparus, avec toutes les autres victimes des terres désolées. Les rumeurs iront bon train. Certains diront que nous nous sommes perdus. D’autres que nous nous sommes entretués.
J’avançais sans but, tel un de ces foutus automates, fixant mes pieds comme pour fuir la dure réalité. J’avais perdu tout espoir. Le soir arrivait, mais aucune nuit ne tomberait. Un nouvel astre solaire avait pointé son nez, il y a de cela plusieurs années, éteignant les étoiles, éclipsant la lune, embrasant les cieux de ses rayons dorés.
À bout de forces, je voulais tout abandonner. Me laisser tomber sur le sol brûlant et attendre que l’une de ces créatures vienne m’achever. Me libérer… Alors que mon corps n’était qu’une blessure cuisante, mes yeux se posèrent sur un mirage. Une étrange construction, vestige d’une vie antérieure. Était-ce le signe que je devais me battre ? Sans aucune hésitation, je me levai pour aller caresser du doigt cette merveilleuse apparition. Pour y trouver refuge avant que la chaleur ne me consume totalement.
Elle était parfaite. Une véritable beauté. Des couleurs irisées. Des courbes magnifiques. Splendide. Je n’avais jamais vu pareille bâtisse. Était-ce l’œuvre de l’homme ? Un bruit sourd me sortit de ma contemplation. De l’eau. Une cascade écumante tombait le long d’un mur de roche. J’avais réussi. J’avais trouvé ce que tous recherchaient depuis tant d’années. J’avais accompli la mission qui nous avait été confiée. J’avais trouvé la source qui pourrait tous nous sauver, mais personne d’autre ne la verrai.
Personne n’oserait s’aventurer aussi loin dans les terres désolées. À cette pensée, mon visage s’illumina. Le cœur léger, je regardais tendrement ce magnifique paysage en sachant que jamais il ne serait abîmé.
Texte de L.S. Martins (25 minutes chrono, sans relecture).
D'après Image par Stefan Keller de Pixabay : Fantaisie Paysage Mystique - Photo gratuite sur Pixabay