Tant de mépris
Sur Panodyssey, tu peux lire 10 publications par mois sans être connecté. Profite encore de 9 articles à découvrir ce mois-ci.
Pour ne pas être limité, connecte-toi ou créé un compte en cliquant ci-dessous, c’est gratuit !
Se connecter
Tant de mépris
Je me sens mal…, comme mort. Un poids épouvantable sur la poitrine m’empêche de respirer. Une sensation de suffoquer me brûle la gorge. Et ce goût immonde dans la bouche. Un mélange de sang et de terre. J’ai beau ouvrir les yeux, ils restent aveugles dans cette obscurité. Je voudrais bouger, mais mon corps est si lourd, si raide. Il n’aspire qu’à demeurer immobile. Tranquille. Pourquoi ? Que s’est-il passé ?
Mes derniers souvenirs sont vagues. Une fièvre délirante me vidait de toute énergie et une toux violente m’arrachait des cris de douleur. Mais je n’oublierai pas ce maudit prêtre. Posté au pied de mon lit, il psalmodiait des incantations divines. Quelle bande de chiens ! Je leur avais dit que mon heure n’avait pas encore sonné et que je n’en avais que faire de ces inepties de paradis et d’enfer. Mais non. À leurs yeux, j’étais déjà mort et il fallait à tout prix sauver mon âme. Des abrutis ! J’ai mené ma vie comme je l’entendais. Heureux, franc et fidèle à mes principes. Ils pensent tous que je suis un pécheur. Un dépravé coupable de ne pas avoir les mêmes croyances, de ne pas honorer les mêmes dieux. Et alors, où est le mal ?
Prisonnier de ces quatre planches, je cherche une issue, mais mon esprit ne peut s’empêcher de divaguer. J’avais laissé des instructions. J’avais été clair, ne laissant aucune place au doute. Bien sûr, aucun de ces bons à rien ne les a respectées. Non, il ne faudrait surtout pas choquer cette populace ignorante et haineuse. On m’avait mis en terre dans mon plus beau costume, la tête posée sur un oreiller qui pue la naphtaline Mais, bien évidemment, ils n’ont pas cherché à respecter à la lettre la coutume locale. Celle qui veut que l’on accroche une cloche au poignet du défunt. Celle qui aurait pu me sauver.
Voilà des heures, peut-être des jours, que je tape, je gratte, je creuse. Mes ongles crasseux se sont arraché un à un. Mes doigts impatients d’atteindre le jour saignent et me font terriblement souffrir. Mais jamais je ne renoncerai. Alors, lorsque le vent frisquet vint effleurer ma main tremblante, un brusque sentiment de joie m’envahit. Enfin libre.
Une pluie battante me lave de toute cette terre et de cette puanteur. Ma peau blafarde reflète chacun des rayons de la lune éclatante. Mes vêtements en lambeaux ont triste allure. Combien de temps suis-je resté dans ce trou ? Je regarde tout autour de moi, à la recherche de réponse. La réalité fut brutale : j’avais été jeté dans la fosse commune. Aucune stèle. Aucune croix. Comment mes propres enfants peuvent-ils éprouver autant de mépris pour moi ? Me détestent-ils au point de prendre le risque de me condamner à une vie d'errance ?
Le cœur lourd, errant au milieu de ce cimetière rempli de dizaine d’inconnus, une envie me dévore les entrailles : manger de la chair fraîche !
Texte de L. S. Martins (20 minutes chrono, sans relecture).
D'après une image de illustration.rangizzz disponible sur Shutterstock.