Vent chaud (2021) Daniel Nolasco
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Vent chaud (2021) Daniel Nolasco
J'veux du cuir
En 2019, le réalisateur brésilien Daniel Nolasco a sorti un documentaire sur l’élection de Mr. LeatherBrazil, qui s’intéressait aux membres de la communauté cuir de São Paulo. Trois ans plus tard, il explore de nouveaux ces thématiques avec sa première fiction, Vent chaud. Sélectionné dans la section Panorama de la Berlinale, il est par la suite montré dans quelques festivals LGBTQI, dont Chéries-Chéris, qui a enfin pu avoir lieu après de nombreux reports, et où le film est reparti avec le Grand prix. Nolasco n’en est pourtant pas à ses débuts, puisqu'il a plusieurs courts-métrages à son actif. Son premier, intitulé Uranus, et disponible en ligne, avait pour simple argument ses protagonistes, Venus et Uranus, au lit. Accompagné d’une bande originale qualitative, la caméra suivait des hommes souvent peu habillés et s’adonnant à des plaisirs plus ou moins coupables. C’était le premier volume d’une trilogie, poursuivie avec Pluton, puis Neptune, dont les personnages principaux et l’intrigue sont les mêmes que ceux de Vent chaud.
À la piscine, Sandro mate les hommes puis, dans les vestiaires, il répond à un message pour convenir d’un rendez-vous en fin d’après-midi. Ensuite il va travailler dans une usine chimique, où il discute avec son amie, responsable syndicale, qui s’inquiète du manque de sécurité du site. Il l’écoute à moitié, plutôt préoccupé par ses collègues masculins, et en particulier Ricardo, qui répond à son texto en lui proposant de se retrouver dans la forêt avoisinante. Ils s’y retrouvent après le travail et font l’amour avec passion. En cet été, il fait très chaud et un sentiment d’intense sécheresse accable les habitants des environs de la ville de Catalão, dans cette région du Goiás, située au centre du Brésil. Lorsque Sandro va faire les courses, il croise, en sortant du supermarché, un motard tout de cuir vêtu qui l’attire de façon impulsive. Il est tellement concentré sur cette vision qu’il ne voit pas la voiture conduite par Ricardo, et qui manque de le percuter.
Ce qui frappe de prime abord en regardant Vent chaud, c’est la puissante identité graphique qui se dégage du film. Les lumières sont saturées, les couleurs sont chatoyantes, nous sommes en présence d’un univers pop et sucré, volontairement queer et qui ne se cache pas pour afficher son exubérante esthétique. On ne serait pas étonné que Daniel Nolasco soit inspiré, sans les copier, des iconographies comme celles de Tom of Finland, ou bien de façon peut-être moins bucolique des photographies de Pierre et Gilles ou de David LaChapelle. La générosité visuelle se traduit par la libre et fréquente monstration d’anatomies masculines, et se retrouve dans la diversité des morphologies qui nous sont proposés. Devant l’écran s’affichent tout aussi bien des hommes poilus que des trans, des mecs enrobés et des crevettes. La jouissance des yeux ne semble pas avoir de limites, et elle accompagne celle des personnages, qui de façon débridée font exulter leurs corps.
Il est du reste inutile de se cacher derrière notre petit doigt, ni derrière une pudibonderie de façade, Vent chaud nous parle de sexualité et est chargé d’une forte sensualité. Nous suivons les péripéties homosexuelle de Sandro, qui n’est pas le dernier pour imaginer les plaisirs de la chair et développer des obsessions sadomasochistes. Les images qui se dégagent du film sont emplies d’un érotisme torride, à l’image des températures qui ne cessent de monter, comme nous le font comprendre des panneaux un peu trop explicites. Autant avertir les spectatrices et les spectateurs curieuses et curieux, certaines scènes ne sont pas très loin d’une certaine forme de pornographie, absolument pas vulgaire ni stigmatisante, mais explicite. Si l’on devrait accoler une référence à cette mise en scène fougueuse, peut-être devrait-on évoquer le cinéma de Marco Berger pour son attachement au corps, ou de João Pedro Rodrigues pour son univers fantasmagorique.
Car le personnage de Vent chaud souffre d’une profonde solitude et compense en vivant dans des fantasmes perpétuels. La mise en scène de Daniel Nolasco joue de cet état de esprit, entretenant le spectateur dans une douce incertitude. Entre rêves humides et réalité oppressante, Sandro ne fait qu’expérimenter diverses sensations, de la jouissance sexuelle à la frustrations affective. Il est coincé dans son propre piège, désirant l’inaccessible et fuyant l’amour qui lui est proposé. Ces actes inconscients d’homophobie intériorisée seraient-ils d’ailleurs, pour le réalisateur, une façon d’élargir son propos, que cela ne serait pas étonnant. Il multiplie les pistes politique dans les thématiques qu’il aborde, entre la lutte syndicale et la bataille municipale, sans compter l’homme agressé à cause d’un crétin intolérant. Dans un Brésil dirigé par Jair Bolsonaro, cet acte cinématographique fort et libertaire peut revêtir un certain sens.