Maurice (1987) James Ivory
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Maurice (1987) James Ivory
Inclinations scandaleuses et désirs assumés
Vers la moitié des années 1980, James Ivory s’est attelé à l’adaptation cinématographique de plusieurs romans d’E.M. Forster, dont Maurice. Juste auparavant figurait en bonne place Chambre avec vue, qui obtint l’Oscar de la meilleure adaptation, tout comme un peu plus tard Retour à Howard's end, celui-ci ayant en prime un Oscar pour Emma Thompson. En l’occurrence Maurice ne fut publié qu'à titre posthume, son caractère autobiographique étant par trop sulfureux pour l'époque où il fut écrit. Il faut dire que Forster était un homosexuel assumé, qui tomba amoureux d’un jeune égyptien de dix-sept ans, d’une classe sociale inférieure à la sienne. Éduqué à Cambridge, il ne cessa dans ses écrits de promouvoir la diversité sociale et ses convictions d’humaniste laïc.
Le début
Un groupe d’élèves jouent au cerf-volant sur une plage tandis que leur professeur prend à part Maurice, l’un d’entre eux. Il juge nécessaire de l'entretenir au sujet des troubles qui vont bientôt l'animer et de son corps qui va changer. Il en vient même à dessiner sur le sable un schéma, quand les parents d’une famille bourgeoise l’aperçoivent et s'en offusquent. Quelques années plus tard, Maurice se retrouve étudiant à l'université de Cambridge et se lie d’amitié avec un groupe de jeunes gens, dont plus particulièrement Risley et Clive. Faisant de plus en plus connaissance avec ce dernier, il se découvre une attirance avec le jeune homme, qui s’avère très vite réciproque. Clive développe alors toute un discours selon lequel leur amour ne peut être que platonique, et par là-même atteindre la perfection.
Analyse
Sur le papier, pourrait-on dire, et a priori, on ne pourrait considérer plus classique dans sa forme qu’un film tel que Maurice. Il s’agit de l’adaptation d’un écrivain britannique du début du XXe siècle, où les costumes et les décors d’époque sont de mise. On a connu bon nombre de productions anglo-saxonnes qui ont cette même fibre, et cela suscite très souvent le plus grand succès des financeurs, qui savent que bien souvent le public est au rendez-vous. Et cela explique en partie pourquoi une partie de la critique a longtemps dédaigné à considérer le cinéma d’outre-Manche comme digne d’intérêt. Mais regardons de plus près ce que le long-métrage, et l’œuvre dont il est tiré, nous racontent, à savoir le passage à l'âge adulte d’un Anglais « de bonne famille » qui se découvre des attirances homosexuelles.
Ne nous emballons pas, ce n’est pas non plus un portrait de débauché que nous dépeignent E.M. Forster et James Ivory, simplement celui d’un jeune homme qui tombe amoureux de garçons et qui souhaiterait pouvoir l’assumer. Et l'on voit bien, avec le personnage de Risley, qui se voit condamné pour outrage aux bonnes mœurs, que cette attitude ne plaît pas aux canons de la société de l'époque. Reste que le côté sulfureux reste présent, ajouté par le fait que le héros sera attiré par un garçon d’écurie, ce qui est peut-être encore plus outrageant. Mais ce que l'on retient de Maurice c’est encore plus la douceur avec laquelle James Ivory traite ses personnages et la sensualité avec laquelle il décrit ces histoires d’amour.
La photographie de Pierre Lhomme n’y est pas étrangère, lui qui travailla pour certains des plus grands noms du cinéma français, dont Jean-Paul Rappeneau et un certain Patrice Chéreau, chez qui les affres de la chaire occupent une place particulièrement importante. Les corps masculins sont ici mis en valeur tandis qu’en apparence les conventions sociales empêchent tout débordement public d’affection. Nous retrouvons avec plaisir un Hugh Grant en début de carrière incarnant parfaitement les contradictions d’un personnage au final assez tragique. De son côté, James Wilby, que l’on pourra retrouver notamment dans Gosford park, trouve ici l'un des rôles les plus marquants de sa carrière. Et Rupert Graves, qui sera par la suite l’inspecteur Lestrade de Sherlock, interprète ici un rôle essentiel.