Naissance des pieuvres (2006) Céline Sciamma
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Naissance des pieuvres (2006) Céline Sciamma
C’est la première fois pour moi que tes yeux me font (boum boum boum)
Le scénario de Naissance des pieuvres était le projet de fin d’études de Cécile Sciamma à la Fémis ; la rumeur veut d’ailleurs que Xavier Beauvois, qui faisait partie de son jury, l’ait encouragée à transformer l’essai. Résultat : une sélection à Un certain regard et un bouche à oreille plus que favorable durant l’été avant la sortie du film. Espèce de Douches froides mâtiné de Et toi t’es sur qui ?, le film aborde le délicat passage à l’âge adulte de trois adolescentes complexées. L'idée de base est en partie autobiographique, Sciamma ayant été impressionnée, lorsqu'elle était adolescente, par un spectacle de natation synchronisée. Elle souhaitait aussi aborder le thème du passage à l'âge adulte du point de vue féminin qui est le sien, ce fameux female gaze sur lequelle elle reviendra souvent durant toute sa filmographie.
Marie est une jeune fille timide et visiblement pas très bien dans ses baskets, qui traîne son ennui du mois d’août à la piscine municipale de Cergy-Pontoise. Elle assiste un jour à une représentation de natation synchronisée et est immédiatement fascinée par le spectacle. Ou bien par cette fille, Floriane, la capitaine de l'équipe au physique avantageux qui attire sensiblement les regards (masculins en particulier). Quant à Anne, sa surcharge pondérale ne lui attire certainement pas les regards concupiscents des garçons, et surtout pas celui de François, qu’elle aime secrètement et qui, justement, lui préfère Floriane. Marie se rapproche de cette dernière et, en mentant à sa mère, lui permet de voir en secret François, tout en acceptant le médaillon que son amie lui passe autour du cou..
Vu comme ça, on dirait le scénario de Premiers baisers… et pourtant on en est loin. Car si premiers baisers il y a, l’univers de Céline Sciamma évoque plus celui de Catherine Breillat que d’AB Productions (il y a un compliment dans cette phrase, saurez-vous le retrouver…). Les adolescentes de Naissance des pieuvres ont perdus leur sourire et sont confrontées à un monde qui ne les intéresse pas et qui les effraye, tout autant que les sentiments qu'elles éprouvent. On pourra noter que les seuls et rares adultes que l’ont voit dans le film sont outrageusement désignés comme répugnants, tels que ces jeunes filles les identifient. Notons aussi au passages que les rares garçons du film ne sont pas mieux lotis que les adultes, et c’était là une volonté manifeste de Céline Sciamma : laisser le champ libre à la subjectivité féminine.
Ceci nous amène au cœur même du film : cela n’étonnera personne si l'on révèle que Naissance des pieuvres évoque l’homosexualité féminine ; ou plutôt « la naissance du désir chez les jeunes adolescentes ». Cependant, le long-métrage de Céline Sciamma refuse en permanence l'étiquetage du « film LGBT », traçant un chemin singulier, sans user d'aucun code narratif. Et malgré ses petits tics stylistiques d'une jeunes réalisatrice qui veut parfois bluffer son auditoire, Sciamma réussit fort bien, avec ce film, à donner chair à ses intrigues et à ses personnages, aidée en cela de trois jeunes actrices tout à fait à l’aise. Si l'on ne peut éviter d'être subjugué par Adèle Haenel, on peut également saluer en particulier la performance de Louise Blachère, qui écope du rôle sans doute le plus difficile.
Si l'on peut parfois s'ennuyer avec Naissance des pieuvres, c’est peut-être que l’adolescence n’est pas une période aisée à aborder, ni à vivre d'ailleurs (et c'est un euphémisme). Peut-être est-ce d'ailleurs une volonté de Céline Sciamma que de dépeindre cette monotonie du quotidien. Cependant, certaines scènes intelligemment réalisées (la chorégraphie sous l’eau, les scènes de vestiaires) apportent un plus qualité indéniable. Le cadre lui-même dans lequel la plupart des scènes se déroulent ne manque pas d'intérêt. Cette piscine, ce rappel incessant à l'univers aquatique, renvoie inlassablement à la naissance des désirs, à cette moiteur qui baignait une des références de la réalisatrice , le Deep end de Jerzy Skolimowski. Sinon, d'aucuns feraient le lien entre l’eau et la jouissance féminine : vous voulez prendre un bain ?