The grandmaster (2013) Wong Kar Waï
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The grandmaster (2013) Wong Kar Waï
Rivalités des maîtres dans la Chine moderne
Les origines de The grandmaster se retrouvent paradoxalement en Argentine, à la fin des années 1990. Là, Wong Kar Waï tourne Happy together, qui lui valu le Prix de la mise en scène au Festival de Cannes, quand il lit un article de journal consacré à Bruce Lee. Intrigué par la notoriété toujours vivace de cet acteur dont il a vu les films quand il était petit, il se met à préparer un film consacré à l’acteur sino-américain et se renseigne sur son enfance et la façon dont il a été éduqué aux arts martiaux. C’est ainsi qu’il tombe sur des références à Ip Man, célèbre maître qui a initié la vedette. Sa vie inspira d’autant plus le réalisateur de Hong-Kong qu’elle lui permettait de pouvoir raconter par son biais une certaine histoire de la Chine, l’homme ayant connu tous les bouleversements du pays durant le vingtième siècle.
Le début
À Foshan, dans le sud de la Chine, Ip Man mène une vie tranquille auprès de sa discrète épouse, qu’il aime sincèrement, et ses deux enfants. Héritier d’une grande famille, il partage sa vie entre ses proches et sa passion, le kung-fu, qu’il maîtrise particulièrement bien. Un jour qu’il s’entraîne, le Grand-maître Baosen le remarque et l’invite à sa cérémonie d’adieux, organisée par ses pairs. Là il annonce qu’il cherche un successeur dans le sud du pays, ayant déjà désigné son disciple du Nord, Ma San. Des combats sont organisés, dans lesquels Ip Man se démarque sensiblement et se fait remarquer. C’est lors de l’un d'entre eux qu’il croise Gong Er, la fille de Baosen, qui est experte en Ba Gua, un style de kung-fu, et qui maîtrise en particulier une des figures les plus complexes, celle dite des 64 mains.
Analyse
Contrairement au résumé qui peut être fait du film, la connaissance minutieuse des arts martiaux n’est pas nécessaire pour apprécier The grandmaster. Même si le long-métrage de Wong Kar Waï est un film de kung-fu à part entière, et ce façon tout à fait assumée, le réalisateur hongkongais est assez malin, assez fin et assez érudit, pour utiliser ce sujet à d’autres escients. Ce qu’il nous raconte en filigrane, et qui s’avère tout aussi intéressant voire plus que la narration principale, c’est une histoire de la Chine moderne. Ainsi le film débute-t-il avec Ip Man qui nous raconte dans un bref flashback sa jeunesse, lui qui a vécu la fin de la dernière dynastie impériale. Grand maître chinois de kung-fu, il avait étudié auprès d'un grand maître avant de fonder sa propre école d'arts martiaux.
Puis le récit nous embarque durant l’invasion japonaise, qui va mener à la Seconde guerre sino-japonaise, où le héros va subir des désillusions, et durant la Seconde guerre mondiale, à peine esquissée. Ensuite intervient la guerre civile où les personnages vont choisir leur camp entre les Nationalistes et les Communistes, avant la proclamation de la république populaire de Chine. L’arrière-plan historique sert donc à Wong Kar Waï de toile de fond sur laquelle il tisse habilement son récit, et surtout celui de ses personnages, qui naviguent entre ces événements. Et la réussite de The grandmaster tient bien entendu grandement à son univers visuel, comme souvent chez Wong Kar Waï, un esthète du septième art, un des rares réalisateurs qui nous propose quasiment à chaque film une structure formelle foisonnante.
S’il met tellement de tant à finaliser ses long-métrages, c’est que Wong Kar Waï peaufine chaque plan, qu’il prend un soin infini à tous les détails. C’est une démarche que l’on peut considérer prétentieuse mais force est de constater que le résultat est éblouissant. Le réalisateur construit une œuvre de film en film, chacun se répondant l’un à l’autre par son esthétique et ses thématiques. Il s’accompagne de fidèles collaborateurs, dont Shigeru Umebayashi qui fournit encore une fois, après les magnifiques bande originales d'In the mood for love et de 2046, une musique envoûtante. Cette fidélité passe aussi par les interprètes, et Tony Leung en particulier, dont on ne cesse d’apprécier les qualités d’acteur. Le résultat de The grandmaster est plus qu’enthousiasmant, et c'est un euphémisme.