French exit (2021) Azazel Jacobs
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French exit (2021) Azazel Jacobs
Revers de fortune
On peut dire que French exit est la rencontre de deux univers décalés. En premier lieu celui du romancier canadien Patrick deWitt, à qui l'on doit les Frères Sisters, précédemment adapté par Jacques Audiard. Cet amateur de Thomas Bernhard dépeint régulièrement dans ses ouvrages des personnages marginaux, avec un humour noir prononcé. De son côté, le réalisateur américain Azazel Jacobs est un habituel du Festival de Sundance, destiné à promouvoir les films indépendants. D'ailleurs il a déjà adapté deWitt dans Terri, puis a dirigé l'excellente Debra Winger dans The Lovers, qui n'ont pas eu un énorme retentissement en France. Le même sort a visiblement été réservé à French exit, directement sorti en VàD dans l’Hexagone, dans une indifférence quasi générale. Il marque pourtant le retour, si l'on peut dire, de l'iconique Michelle Pfeiffer au cinéma indépendant, et nombreux sont ceux qui la virent nommée pour l'Oscar de la meilleure actrice grâce à sa prestation.
Quand il avait douze ans, Malcolm Price a été retiré de son pensionnat par sa mère Frances, et à peu près cinq ans plus tard, il vit toujours avec elle dans leur luxueux appartement new-yorkais. Lorsqu’elle s’entretient avec son gestionnaire de patrimoine, celui-ci lui explique qu’elle est ruinée. La banque va devoir lui confisquer tous ses biens, et elle sera à la rue dès le début de l’année prochaine. Il lui rappelle que depuis des années cela allait arriver, et lui demande quels sont ses projets. De son côté, Malcolm assure à sa fiancée Susan qu’il va bientôt annoncer à sa mère qu’ils sont fiancés, mais quand il la voit, il n’ose rien dire, et c’est elle qui annonce en premier leur situation financière. Dès le lendemain, elle s’occupe de la vente de l’ensemble de leurs mobiliers et de leurs œuvres d’art, négociant sévèrement sur la commission qu’elle s’apprête à donner. Puis elle déjeune avec sa meilleure amie, qui lui propose de lui prêter son appartement parisien, qu’elle n’occupe plus depuis un an.
On peut aisément dire que French exit est un film neurasthénique, à l’image de ses personnages principaux. Frances est une riche veuve habitant New-York, qui semble subir depuis de nombreuses années une sévère dépression. Du reste, elle annonce dès l’une des premières scènes qu’elle attend la mort, et l’on sent bien que la pulsion de vie l’a quitté il y a fort longtemps. Son fils Malcolm n’a quant à lui aucune personnalité, occupé qu’il est de vivre dans l’ombre de sa mère. Il ne sait pas prendre une décision, et ne semble habité d’aucun désir, aucune flamme, si tant est qu’on est presque étonné lorsqu’il s’intéresse à une jeune femme. On suit ces deux âmes seules dans des successions de petits épisodes au rythme languissant, se demandant à chaque instant à quel moment l’intrigue va décoller. Las, le scénario ne décroche jamais, et on ne parvient jamais à comprendre ce qu’Azazel Jacobs veut nous signifier, du reste visiblement lui-même ne sait pas trop sur quel pied danser.
Le principal intérêt de l’intrigue de French exit réside en quelques scènes disséminées à la manière d’un puzzle. Le film se caractérise par une absence d’unité patente, ce qui fait qu’on se prête à être surpris lorsqu’une séquence atypique vient réveiller l’apathie de l’intrigue. C’est le cas lorsque nos deux protagonistes se retrouvent à dîner chez une inconnue, incarnée par l’épatante Valerie Mahaffey, aperçue dans des séries comme Desperate Housewives ou bien Devious Maids. L’humour noir, et à froid, de Patrick deWitt et d’Azazel Jacobs, apporte un brin de décalage bienvenu, mais qui tombe très vite à plat. Car on se retrouve dans une narration mêlant ésotérique et clichés, où le spiritisme s’invite étrangement et où Paris compte encore des cabines téléphoniques, qui plus est à pièces, et des sans-abris bilingues. Autant dire que le confusion est de mise, et se poursuit jusqu’à un dénouement farfelu, où l’ensemble des personnages se retrouvent de façon malhabile.
Que retenir donc de French exit, mis à part la prestation de ses interprètes, pas grand-chose. Car le long-métrage semble au final exister uniquement pour fournir à Michelle Pfeiffer une nouvelle chance de briller aux Oscars. L’actrice, que l’on a vu réapparaître timidement depuis quelques années dans des blockbusters qui ne sont pas à la hauteur de son talent, joue ici son va-tout. Au final, si elle a été nommée pour un Golden Globe, cela n’a pas suffi mais pourra peut-être relancer sa carrière, ce qui est une gageure pour une actrice qui dépasse une certain âge à Hollywood et ailleurs. À ses côtés, Lucas Hedges fait pâle figure, ce qui est de bon ton vis-à-vis de son personnage, complètement insignifiant, mais ce n’est peut-être pas vraiment un bon signe pour un interprète qui peine à retrouver le succès d’estime obtenu avec Manchester by the Sea. On ne s’étonnera donc pas vraiment que ce film bancal soit passé tellement inaperçu, bien que sur le papier il ne manquait pas d’intérêt.