Even cowgirls get the blues (1993) Gus Van Sant
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Even cowgirls get the blues (1993) Gus Van Sant
La femme au pouce hypertrophié
Au début des années 1990 deux films ont suffi pour propulser Gus Van Sant comme icône des réalisateurs indépendants LGBTQI friendly. My own private Idaho puis deux ans après Even cowgirls get the blues sont aujourd’hui considérés comme des films cultes du cinéma gay et lesbien. Certes, ils ne sont pas légion ; et certes cela n'augure pas en soi de leur qualité. Il n’empêche qu’Even cowgirls get the blues démarre sous de bons auspices : un auteur post-beatnik en verve (Tom Robbins), un casting éclectique et de haut rang, où figurent même Roseanne Barr, Sean Young, Grace Zabriskie ou bien Udo Kier, et une histoire assez originale, voire capillotractée.
Sissy est née avec une malformation pas banale : des pouces de 25 centimètres, que, paraît-il, une méchante fée a rallongés. À leur grand dam, ses parents ne la verront donc pas devenir chirurgienne ; Sissy décide alors très tôt de profiter de son handicap pour en faire un atout : elle cultive l'ambition de devenir la plus célèbre auto-stoppeuse des États-Unis. Elle travers alors le continent de long en large et en travers pour aboutir, épuisée, à New-York chez la Comtesse, qui n’est autre qu’un exubérant travesti. Celui-ci l’envoie dans son ranch, qu’il a transformé en salon de beauté de luxe, et où elle va faire la connaissance d'un groupe de cowgirls.
Un vent de liberté souffle dans Even cowgirls get the blues. Rien que le personnage, et le nom même, de Sissy Hankshaw, est d’une fraîcheur qui fait plaisir : on peut la croire naïve, ou bien complètement ridicule, reste qu'elle est en tout cas ouverte à toutes les opportunités que la vie peut lui apporter. Traversant le pays sans but aucun, elle se laisse porter par les expériences. On sent ici l’influence de la beat generation que Gus Van Sant a tant apprécié et dont ses premiers films sont imprégnés. Le scénario est du reste l'adaptation d'un roman qui s'en revendique, et on retrouve furtivement William Burroughs dans son propre rôle au sein d'une des scènes du film.
Il est difficile de caractériser Even cowgirls get the blues, qui est à la fois un road-movie psychédélique et un western féministe. Le film a les défauts de ses qualités : ayant opté pour une narration libre qui colle très bien à son sujet, Gus Van Sant ne réussit pas vraiment à nous scotcher devant une intrigue franchement boiteuse. Si on s’attache peu ou prou au personnage principal du film, toutes les intrigues parallèles passent un peu à la trappe. Par exemple, Van Sant aurait mieux développé l’intrigue sentimentale entre ces deux cowgirls sympathiques qu’on ne lui en aurait pas tenu rigueur, au contraire. Au lieu de ça il passe d’un sujet à l’autre sans vraiment s’attarder.
Par contre une panoplie de bons acteurs est au rendez-vous d’Even cowgirls get the blues. Mais là encore, Gus Van Sant ne réussit pas toujours très bien à les mettre en valeur. Si Uma Thurman se révèle, sans surprise quand on connaît sa carrière ultérieure, tout à fait convaincante dans le rôle titre, on ne comprend pas très bien pourquoi le réalisateur n’a pas laissé une place plus importante à Angie Dickinson ou bien encore à John Hurt, qui crève pourtant l’écran à chacune de ses apparitions. Il n’empêche qu’Even cowgirls get the blues est un film drôle et original, décalé dans sa forme et qui apporte une certaine fraîcheur, sans prétention aucune et c’est aussi bien comme ça.