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La poursuite infernale (1946) John Ford

La poursuite infernale (1946) John Ford

Published Jun 19, 2021 Updated Jun 19, 2021 Culture
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La poursuite infernale (1946) John Ford

Touche pas à mon frère

Vous avez lu l’histoire de Jesse James, comment il vécu, comment il est mort ? Ça vous a plu, hein, vous en demandez encore. Et bien écoutez l’histoire de Wyatt Earp, ou tout du moins la version de John Ford parce que le maître du western s’accommode un peu avec la véracité historique, tout comme le fera dix ans plus tard John Sturges avec Règlements de comptes à O.K. Corral. Qu’importe, La poursuite infernale est un des plus beaux films de Ford, qui lui donne l'occasion de retravailler avec un de ses acteurs de prédilection, Henry Fonda. Et pourtant c’était pas gagné : les différents notoires qui opposèrent Darryl F. Zanuck à son réalisateur (donnant lieu à de nombreuses coupes dans le film) mirent fin à une collaboration fructueuse de plus de dix ans.

Quand les frères Earp arrivent avec leur troupeau de bétail à proximité de la ville de Tombstone, ils sont tout de suite confrontés aux frères Clanton qui leur proposent de racheter leur cheptel. Le refus des premiers sonnera le glas du plus jeune, James. Mais nous n’en sommes pas encore là : les 3 aînés décident d’abord d’aller se changer les idées à Tombstone. Ils y découvrent une ville où règne le désordre le plus total. Réussissant à calmer un indien ivre qui menaçait les habitants, Wyatt Earp se voit d’emblée proposer le poste de shérif. Décidé à mener son troupeau en Californie, celui-ci refuse quand, de retour auprès du campement, il constate le vol du bétail et la mort de son frère. C’est ainsi qu’il décida de remettre l’ordre à Tombstone.

Encore une fois chez John Ford c’est la famille qui tient lieu de motif pour la vengeance du héros de La poursuite infernale (qu’on songe également à La prisonnière du désert). Un héros élevé au rang de parangon de la sainte vertu, malgré quelques petites touches d’humour le présentant aussi comme un grand dadais mal à l’aise avec les femmes (voir la scène de bal, encore une grande constante dans l’œuvre de l’irlandais). À côté, il fallait l’antithèse du héros propre sur lui, et ce sera Doc Holliday. La star locale de Tombstone est un débauché qui fuit de ville en ville, séduisant les filles du coin et passant ses journées à jouer au poker. Et la rencontre de ces deux personnages hauts en couleurs donne lieu à des échanges savoureux mais aussi à une amitié improbable et non moins sincère.

Une histoire de mecs, donc ; et comme toujours ce sera une femme qui viendra mettre la zizanie, bien malgré elle comme de bien entendu. Clementine Carter va ainsi jouer les trouble-fête dans le ménage à trois constitué de Wyatt Earp, Doc Holliday et la sensuelle Chihuahua qu’il convient de ne pas oublier. Et John Ford de filmer ce quatuor de sa caméra fixe. Voilà encore une constante de l’œuvre du réalisateur, ici admirablement réalisée : les plans fixes des superbes paysages de Monument Valley, la relative absence des mouvements de caméra (Ford avait coutume de dire que vu leurs différences de salaires c’étaient aux acteurs de se déplacer vers les machinistes et non l’inverse) accentuent le lyrisme et la solennité de cette Poursuite infernale.

Le casting est irréprochable : fidèle parmi les fidèles, Henry Fonda incarne un Wyatt Earp tout en nuances tandis que Victor Mature réussit à saisir toute l’ambiguïté du personnage de Doc Holliday. Au final La poursuite infernale (dont le titre original, My darling Clementine est beaucoup plus parlant) est un western d’une éclatante beauté qui peut se vanter de posséder à la fois une bonne partie de la tirade du Macbeth de William Shakespeare et un dénouement spectaculaire où les morts se comptent à la pelle. Du western à l’ancienne, comme on l’aime, avec ses personnages charimatiques, ses duels de légendes et ses paysages magnifiques. John Ford s'impose ici clairement comme un, voire le, maître du genre, dont il usera et abusera tout au long de sa carrière.

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