Milou en mai (1989) Louis Malle
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Milou en mai (1989) Louis Malle
Les bourgeois, est-ce comme les cochons
Généralement, les films qui traitent, de façon directe ou indirecte, des événements de mai 1968, se partagent en deux catégories. On retrouve d’une part ceux qui relatent les espoirs et la fièvre qui animait les participants aux émeutes, tels Coup pour coup, où Marin Karmitz évoque une grève dans une usine, ou L'An 01, réalisé par Jacques Doillon. D’autres part, certains longs-métrages esquissent un bilan, comme Innocents: The Dreamers, de Bernardo Bertolucci, ou bien Après mai, d’Olivier Assayas. D’autres cinéastes font un pas de côté, en tentant une comédie, populaire, tel Gérard Oury avec La carapate, ou bien plus mordante, comme ce que propose Louis Malle avec Milou en mai. Nous sommes à la fin des années 1980 et le réalisateur vient de sortir Au-revoir les enfants, couronné d’un Lion d’or au Festival de Venise, de deux nominations aux Oscars, et de sept Césars, dont ceux du Meilleur film, du meilleur scénario original et du Meilleur réalisateur
Le début
Dans leur grande demeure familiale du Gers habitent Émile Vieuzac, soixantenaire qui aime la bonne chaire et que tout le monde appelle Milou, et sa mère, qui bientôt meurt d’une crise cardiaque. Les autres membres de la famille ne tardent pas à débarquer, en premier lieu Camille, la fille de Milou, qui retrouve pour l’occasion son ancien amant, Daniel, un ami de la famille qui est également leur notaire. Arrivé aussi Claire, la nièce de Milou, et Georges, son frère, accompagné par son épouse Lily, qui viennent de Londres où il est correspondant pour Le Monde. La veillée funéraire débute tandis que l’on discute des détails des funérailles et du partage des biens. Ce n’est pas sans provoquer disputes, Milou n’étant pas prêt de vendre la maison dans laquelle il a vécu toute son existence, tandis que tout le monde découvre qu’Adèle, la gouvernante, et maîtresse de Milou, hérite d’un quart de la propriété de famille. En parallèle, des manifestations et des grèves se déroulent en ce mois de mai 1968.
Analyse
En 1989, Louis Malle prend ainsi encore une fois tout le monde à rebrousse poil en signant avec Milou en mai une comédie douce-amère sur les événements de mai 1968 mais vus à travers le prisme d'une famille bourgeoise de province. On ne trouve en effet pas pléthore de fictions abordant cette période de ce point de vue si particulier, et avec un regard aussi original. À cet égard, le film a de quoi déconcerter, d'autant que ce n'est que la toile de fond de cette comédie de mœurs, qui reste plus une galerie de personnages qu'un manifeste pro ou anti mai 68. Le point de départ de l'action, la mort de la grand-mère, sert de prétexte à une réunion familiale qu'on doute exceptionnelle tant ces personnages se connaissent finalement si mal. Dès les premiers regards et échanges, on peut sentir la tension sous-jacente inhérente à ces personnes que tout oppose, tant au niveau géographique que politique, et qui se retrouvent pour des circonstances pas très hereuses.
Ainsi, autour d'une défunte pas encore enterrée puisque la grève touche jusqu'aux services funéraires, ce petit groupe va se déchirer gentiment sur la succession, et la fille de Milou, incarnée par Miou-Miou, très en verve, se révèle fort cupide à cet égard, ou sur les idées politiques, le neveu de Milou, un étudiant parisien, s'amusant à donner un bon coup de pied dans cette fourmilière de bourgeois somme toute plutôt conservateurs. Tout ça bien sûr sans qu'aucun, mis à part bien sûr le protagoniste, Milou, campé par Michel Piccoli, impérial dans tous les sens du terme, ne s'émeuve de la mort de la patriarche. Louis Malle résumait d'ailleurs l’objectif de Milou en mai en ces termes : « Mai 68 était une parfaite toile de fond pour mon scénario. J'avais là l'occasion d'étudier la façon dont les gens réagissent quand les événements extraordinaires les obligent à sortir de leur train-train quotidien ». On a là l’essence même de ce drame familial où les esprits s’échauffent.
Les masques des personnages de Milou en mai tombent alors petit à petit tandis que dans le film s’égrènent la mesquinerie de Camille, le désir d'anticipation de l'amie de Claire, elle-même interprétée par Dominique Blanc, excellente comme toujours. Le propos en lui-même n'est pas extrêmement fouillé et le film pèche un peu à ce niveau : le désordre et la fièvre agitant le pays est bien reconstitué, mais si on comprend que ces petits propriétaires se trompent lourdement sur la portée des événements, le discours aurait quand même pu être un peu plus étoffé. Les quelques digressions coquines, en majorité apportées avec le personnage de Bruno Carette, beaucoup trop caricatural, arrivent un peu comme un cheveu sur la soupe et auraient pu nous être épargnées. Une impression de bien-être transparaît tout de même paradoxalement du film, à l'image de ce pique-nique ensoleillé où les protagonistes se détendent en devisant.