Le fil (2008) Mehdi Ben Attia
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Le fil (2008) Mehdi Ben Attia
La mère, le fils et le saint épris
Gageons que Mehdi Ben Attia a dû avoir du mal à monter Le fil. D‘ailleurs le film n‘est pas sorti en Tunisie, pays dans lequel il se passe, et a même failli ne pas se tourner. Il a fallu l’intervention de Claudia Cardinale, icône dans son pays, et dans lequel elle n’avait pourtant pas tourné depuis longtemps, pour que le long-métrage puisse se monter. Et pourtant Mehdi Ben Attia n’est pas un inconnu : scénariste pour André Téchiné et pour la télévision, il bénéficie d’une certaine notoriété. Oui mais voilà, son film parle d’homosexualité dans une région où les tabous sont encore tenaces. Et ça gêne donc les autorités locales. Par la suite, le réalisateur a poursuivi sa carrière avec Je ne suis pas mort, qui mettait en scène Maria de Medeiros et offrait un petit rôle à Nicolas Maury, puis a attendu quelques années avant de réaliser L'Amour des hommes, avec Hafsia Herzi.
Le début
Malik a, on le suppose, peu connu la Tunisie avant d‘y revenir dans sa jeune trentaine, ou en tout cas il vit en France depuis longtemps. Quelques mois après la mort de son père, il décide de revenir auprès de sa mère Sara pour accomplir sa carrière d’architecte dans son pays d’origine. Dès le premier soir, il échoue dans sa tentative de faire son coming-out auprès de Sara, et il se rend bien vite compte qu’elle risque de ne pas être réceptive, souhaitant qu’il se marie. Dès ce premier soir aussi il tombe sous le charme de Bilal, le jeune homme qui vient aider sa mère, en accomplissant quelques menues tâches en échange d’un endroit où crécher. Plus tard, Malik accepte la proposition de Syrine, sa collègue et son amie, qui est lesbienne et aimerait qu’il devienne le père biologique de l'enfant qu'elle souhaite porter, en faisant une fécondation in vitro.
Analyse
On peut facilement se sentir très proche du personnage principal du Fil, tiraillé entre sa famille et son identité. Malik a grandi dans une famille chrétienne d’Orient et aisée, avec ses tantes excentriques et malgré tout sympathiques. Il se sent toutefois en décalage avec ce passé familial, à la fois redevable et coupable, à l’image de ce fil psychologique qu’il ne cesse de vouloir démêler. Cet aspect psychologique, traité dans le film de façon très légère par la mise en scène, est assez intéressant. Le principe est, sur le papier, assez gonflé : il s’agit de retranscrire visuellement le fait que le jeune homme tourne sur lui-même, dans tous les sens du terme, ce qui est mis en avant par le fil autour duquel il est enroulé. Mehdi Ben Attia parvient à rendre ce concept relativement poétique, et a le bon goût d’en faire un fil directeur, sans s’appesantir trop sur cette idée.
Le caractère de la mère aussi est très bien dépeint par Mehdi Ben Attia : c’est une mamma à l’orientale, pleine d’amour et pourtant possessive, à la fois intraitable et terriblement généreuse. Alors oui, Le fil possède de nombreux atouts mais aussi des défauts. Tout d’abord la mise en scène qui est gentillette, un peu désuète et qui manque un peu d’emphase. Le jeu des acteurs aussi n’est vraiment très convaincant : on les sent pas vraiment à l’aise, gauches et récitant leur texte sans enthousiasme. À la décharge du réalisateur, le casting pour le rôle de Malik a semble-t-il été compliqué, nombre d’acteurs refusant alors d’ être étiquette. Reste que le long-métrage mélange des comédiens professionnels et non-professionnels, ce qui rend l’ensemble un peu bancal : sans doute la direction d’acteurs manque-t-elle de précision.
Qui plus est, on a pu voir Claudia Cardinale en meilleure forme que dans Le fil. Reste la révélation qu’est Antonin Stahly, très bel éphèbe avec un réel potentiel, mais dont la carrière, il faut bien en convenir, n’a pas vraiment décollé par la suite. Qu’importent ces défauts, le film, surtout sa deuxième partie, est assez intéressant, développant par le biais de quelques personnages secondaires, telle cette jeune femme voilée dont le caractère évolue peu à peu. Il possède ainsi des scènes fortes et pleines d’émotion, où l’on parvient à comprendre de façon délicate ce qui se joue dans l’intimité du protagoniste. Le long-métrage est du reste essentiel, ne serait-ce que pour son symbole, son côté atypique par rapport à la majorité des productions cinématographiques du Maghreb, et puis il nous raconte une fraîche histoire d’amour, donc ne faisons pas la fine bouche.