Parasite (2019) Bong Joon-ho
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Parasite (2019) Bong Joon-ho
Gens de confiance point com
La carrière de Bong Joon Ho a démarré à l’orée des années 2000, et près de vingt ans plus tard Parasite est le septième long-métrage qu’il a réalisé. Son début de carrière se fait sur les chapeaux de roue avec son deuxième film, Memories of murder, qui en 2003 a été le film le plus vu au cinéma en Corée du Sud. Puis The host a été invité à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes, et ensuite le réalisateur a présenté Mother à la section Un certain regard en 2009. Snowpiercer lui permet ensuite d’asseoir sa notoriété internationale, avant qu’il ne retourne tourner Okja dans son pays natal, puis Parasite, qui reçut la Palme d’Or du Festival de Cannes. Vu comme ça, le parcours du cinéaste est donc tout à fait cohérent, reste que cette consécration n’est pas forcément intuitive. En majeur partie parce que Parasite est un film populaire, ce que son succès en salles confirme, et qu’ainsi le Festival de Cannes sortait alors légèrement de sa zone de confort et de sa réputation de pourvoyeur de prix à des films intimistes.
Le début
Ki-taek et sa famille habitent dans un sous-sol exigu et vivent d’expédients. Sans travail fixe, ils sont contraints d’assembler des boîtes en carton pour une société de livraison de pizzas. Ils sont payés une misère et se voient houspiller par la gérante, une jeune femme que le fils de Ki-taek, Ki-woo, tente d’amadouer pour ne pas perdre leur gagne-pain. Ils captent gratuitement et de façon illicite le wifi de leurs voisins, et sont contraint d’assister régulièrement, de leur lucarne donner directement sur la chaussée, au spectacle des clients soûls qui sortent des bars et urinent dans la rue. Un jour, un ami de Ki-woo passe le voir à l’impromptu et lui propose un poste de professeur d’anglais. Il va bientôt partir à l’étranger et se voit contraint d’arrêter ses leçons auprès de la fille d’une famille aisée, qu’il compte demander en mariage à son retour. Sautant sur l’opportunité, Ki-woo fait modifier son CV par sa sœur afin de faire croire qu’il est diplômé.
Analyse
La verticalité est ostensiblement centrale dans la mise en scène de Parasite. Dès le début, la caméra de Bong Joon-ho se déplace de haut en bas pour nous faire appréhender l’espace contraint dans lequel habitent les protagonistes principaux de l’intrigue. À l’instar d’Honoré de Balzac qui, dans Illusions perdues, décrivait le clivage social d’une ville de province comme Angoulême au travers de sa topologie, où les aristocrates de la ville-haute ne côtoyaient pas les commerçants et les ouvriers de la partie basse, le réalisateur coréen insiste fortement sur le dénivelé qui sépare le petit appartement de Ki-taek et la grande demeure des Park. Cet élément n’est d’ailleurs pas un accessoire puisqu’il devient, à la faveur d’une averse torrentielle, un des éléments clés de l’intrigue. La géométrie des habitations n’est par ailleurs par la même, le sous-sol étant tout en horizontalité tandis que le caractère vertical de la maison s’avèrera un autre élément essentiel du récit.
Ainsi, et ce n’est pas son seul élément distinctif, la mise en scène de Parasite est très soignée, peut-être un peu trop aurait-on envie de dire. En fait, le film s’avère malin, au bon et au mauvais sens du terme, tant au niveau de sa réalisation que du déroulé de son récit. On passe ainsi avec une fluidité très agréable d’un film social à un thriller quasiment horrifique, tout en gardant tout le long du film une touche d’humour assez appréciable. Héritier d’une tradition sud-coréenne de films d’horreurs et de fantômes, Bong Joon-ho se démarque légèrement de ces œuvres, signifiant par ce biais qu’il a bien digéré toutes ces références et qu’il nous propose ici une version renouvelée du genre, voire parodique. On peut y voir une certaine prétention de sa part, en tout cas le réalisateur ne pose pas son film, et l’ensemble de son œuvre en général, dans l’épure stylistique du japonais Hirokazu Kore-eda et de son Affaire de famille, ancien détenteur de la Palme d’Or cannoise.
Sur le fond, Parasite n’en reste pas moins un film fort, qui dissèque avec subtilité la société coréenne et notre monde contemporain. Les rapports de classes sont analysés de manière froide mais néanmoins équilibrée, Bong Joon-ho et son coscénariste Han Jin-won prenant soin de ne pas verser dans le pamphlet facile. Chacun des personnages est assez bien fouillé, et le spectateur parvient sans aucun problème à se mettre à la place de chacun d’entre eux, tout en pouvant aussi bien les pointer du doigt sur certains aspects de leur personnalité ou de leurs actions. La morale est toutefois amère, c’est le constat d’une incommunicabilité intrinsèque de nos sociétés capitalistes, où la porosité entre les classes n’est pas possible. S’appuyant sur un casting hors pair, où chacun tient son rôle de manière impeccable, et où Song Kang-ho est particulièrement impressionnant, le film est clairement au-dessus du lot et restera sans doute longtemps dans les esprits de ses spectateurs.